Dans la mêlée, il est honteux pour le chef de céder ; il est honteux pour les suivants de ne pas égaler leur chef. Ils sont flétris pour la vie, s’ils survivent à leur chef tué dans l’action. Ils jurent surtout de le défendre, de le couvrir de leurs corps, de se signaler pour sa gloire. Les chefs combattent pour la victoire ; les suivants, pour leur chef. Si leur nation s’endort dans une longue paix, la plupart des jeunes gens vont chercher la guerre où on la fait ; car le repos leur pèse ; puis, c’est dans les hasards qu’on s’illustre, et la guerre peut seule entretenir les grands cortèges. On attend de la libéralité du chef, et le cheval de bataille, et la sanglante et victorieuse framée (1). On partage sa table ; ses copieux mais grossiers festins tiennent lieu de solde ; c’est le butin qui paie ces largesses. Vous leur persuaderiez bien moins de labourer la terre et d’attendre l’année (2), que d’assaillir l’ennemi et de courir aux blessures. Ils croiraient lâche et bas d’amasser, par la sueur, ce qu’on peut conquérir par le sang.
Tacite (58-120 ap. J.-C.)
(1) En somme l’équipement.
(2) En fait, les saisons.