vendredi 29 mars 2024

L’armée turque suspend ses relations avec la France

medium_soldats_turcsIl s’agit de l’une des premières mesures de rétorsion contre la France après le vote de la loi pénalisant la négation du géno­cide arménien de 1915. « Les relations dans le domaine militaire avec la France ont été suspendues », a annoncé mercredi le général Ilker Basbug, le commandant en chef de l’armée de terre, au cours d’une cérémonie organisée pour le 23è anniversaire de la République turque de Chypre du Nord, la partie de l’île occupée par les soldats turcs. En décrétant un gel de la coopération, l’institution militaire, rouage incontournable dans la vie politique du pays, entend sanctionner Paris pour l’adoption du texte par les députés français, le 12 octobre dernier, qui prévoit jusqu’à un an de prison et 45 000 eur d’amende contre les auteurs de négationnisme.

En 2001 déjà, lorsque le Parlement français avait reconnu le génocide arménien, les militaires turcs avaient appuyé des mesures de rétorsion, notamment l’annulation des visites régulières. Ces représailles interviennent dans un climat de tensions grandissantes entre les deux pays, la France exigeant que l’Union européenne sanctionne la Turquie si elle ne remplit pas ses engagements envers Chypre d’ici la fin de l’année.

Coopération en Afghanistan

Cette suspension devrait cependant avoir des conséquences assez limitées : seules les relations bilatérales sont visées. Une réunion militaire entre Ankara et Paris prévue au mois de décembre a ainsi été annulée. Mais la collaboration turco-française dans le cadre des opérations multinationales sera épargnée. De son côté, Paris a cherché à minimiser la portée de cette annonce, en mettant en avant la qualité des rapports des deux armées engagées côte à côte au Liban, au Kosovo ou en Bosnie. Ankara prendra également la relève de la France dans le commandement de l’Isaf, la force de l’Otan en Afghanistan, en avril 2007. « Il y a une activité en commun des militaires français et turcs qui est très importante », a déclaré jeudi le porte-parole du ministère de la Défense. Ajoutant qu’il ne fallait pas voir dans ce geste de mécontentement manifeste « le signe d’une crise ou d’une difficulté majeure ».

Hostilité du Sénat

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Ce sont en fait les entreprises françaises qui risquent de subir le contrecoup du courroux des militaires. Le Crédit agricole, qui a présenté la semaine dernière une offre de rachat d’une partie du capital d’Oyak Bank, la banque détenue par le fonds de pension de l’armée, pourrait en faire les frais. Eurocopter, toujours en lice pour remporter un contrat de 52 hélicoptères, se retrouve aussi en première ligne. Il n’est pas certain que le caractère européen de la filiale d’EADS mis en avant par le ministère français de la Défense réussisse à convaincre l’état-major. D’autant plus que la mesure de rétorsion des militaires s’inscrit en porte-à-faux avec l’attitude adoptée par l’équipe du premier ministre, Recep Tayyip Erdogan.

Le gouvernement a, quant à lui, opté pour une position attentiste, refusant de prendre des mesures contre les entreprises françaises tant que la loi sur le génocide arménien n’est pas passée au Sénat. Or, ce dernier y est hostile et elle a peu de chance d’être votée. Mais l’institution militaire, qui multiplie les interventions sur les sujets politiques, se livre à une démonstration de force. Les généraux supportent de moins en moins les pressions de Bruxelles, qui exige qu’ils mettent fin à leur ingérence dans le débat public national. Et la France, en durcissant le ton sur la République turque de Chypre du Nord (RTCN), le pré carré de l’armée, a franchi la ligne rouge.

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