mercredi 24 avril 2024

La catastrophe humaine de Gaza est une bombe à retardement

Enfant de gazaAlors que l’attention mondiale est toujours centrée sur le Liban, à moins de 200 km au sud, Gaza constitue une bombe à retardement. Quelque 1,4 million de personnes, pour la plupart des enfants, sont ­entassées dans l’une des régions les plus densément peuplées du monde, sans liberté de mouvement, aucune place pour courir et nul endroit pour se cacher. Virtuellement sans accès extérieur depuis juin, Gaza connaît une montée de la pauvreté, du chômage, des pé­nuries et du désespoir. Tristement, ce dont Gaza a le plus besoin aujourd’hui est précisément ce dont il manque le plus : l’espoir.

Plus tôt en septembre, 35 pays, auxquels se sont joints l’ONU, le mouvement de la Croix-Rouge et les ONG, se sont réunis à Stockholm pour contribuer à restaurer quelques petites mesures d’espoir pour la population de Gaza. Les pays donateurs ont annoncé 116 mil­­lions de dollars supplémentaires pour les besoins humanitaires urgents dans les territoires palestiniens occupés, dont la moitié en réponse à l’appel de 384 millions de dollars de l’ONU. S’il faut féliciter les donateurs de leur initiative constructive, la population de Gaza a besoin de beaucoup plus, et rapidement. L’appel humanitaire de l’ONU nécessite toujours 42 % des fonds malgré les mises en garde d’une situation se dégradant rapidement, susceptible de déstabiliser de nombreuses familles.

Depuis que l’opération israélienne « Pluie d’été » a commencé fin juin en réponse à l’enlèvement d’un soldat des forces de défense israéliennes, un soldat israélien a été tué. Mais durant la même période, 235 Palestiniens ont été tués, dont 46 enfants. Chaque perte de vie humaine doit être déplorée. Mais il ne fait aucun doute que la réponse, mesurée en termes de victimes civiles, est disproportionnée. Pour les Palestiniens comme pour les Israéliens, les conséquences des affrontements de l’été sont dévastatrices de la même façon qu’elles sont néfastes pour les perspectives de paix dans cette région troublée.

L’accès par air, mer et terre a été virtuellement coupé à Gaza. Les mouvements de biens et de personnes ont presque cessé. L’approvisionnement en électricité et en eau, perturbé par l’attaque des forces de défense israéliennes sur les principales centrales électriques, est irrégulier et insignifiant. Les infrastructures civiles ont été affectées. Gaza demeure aujourd’hui dépendante de sources extérieures pour son approvisionnement alimentaire et commercial. Les conditions sanitaires se dégradent alors que l’accès à l’eau potable est insuffisant. Avec une économie palestinienne en chute libre continue, il faut s’attendre à une détérioration plus poussée des conditions sanitaires.

Imaginez : vous êtes une mère ou un père de Gaza, vivant sur une superficie inférieure au quart du grand Londres (1,620 km²) avec une population de la taille de Leeds (1,49 million d’habitants). Vous ne pouvez pas quitter ce territoire, ni importer ou exporter de produits. Vos enfants vivent dans la peur continue de la violence. La pénurie de l’essentiel, dont l’eau, augmente la propagation des maladies contagieuses et renforce encore les problèmes de la vie quotidienne. Chaque jour, jusqu’à 185 obus d’artillerie frappent votre territoire. Chaque nuit, vous assistez à des tirs de roquette aveugles sur Israël par des groupes militants. Vous savez que lorsque les représailles viendront, vous et votre famille ne serez pas épargnés par leurs effets.

Maintenant, imaginez que vous vivez en Israël, chaque nuit, des roquettes tombent. Des groupes armés minent votre pays, votre vie quotidienne et votre existence. Nous pensons qu’il n’est de l’intérêt d’aucune des parties que la violence prévale à Gaza ou en Cisjordanie, situées au carrefour de toutes les grandes cultures et religions du monde. Pour aider à désamorcer la bombe à retardement à Gaza, nous avons besoin d’une action sur trois fronts : humanitaire, économique et politique. En premier lieu, les civils et les infrastructures civiles doivent être protégés par toutes les parties. Nous demandons au gouvernement israélien, en tant que puissance occupante, à l’Autorité palestinienne, et à tous les groupes armés à s’acquitter de leurs responsabilités au regard du droit international.

Une cessation des hostilités doit s’accompagner de la liberté de mouvement pour les civils et les travailleurs humanitaires. Pour la population de Gaza, la perception d’être piégée, confinée, de vivre en cage est intolérable et alimente encore le désespoir. L’accord sur le mouvement et l’accès du 15 novembre 2005 doit maintenant être pleinement mis en oeuvre.

La liberté de mouvement est aussi essentielle pour permettre aux personnels humanitaires d’atteindre ceux dans le besoin à Gaza et en Cisjordanie. Le passage de Karni, le principal point de passage entre Israël et Gaza, doit être transformé en zone de non-conflit, une zone protégée, ouverte aux flux de produits essentiels pour la population palestinienne. Une tierce partie indépendante pourrait être désignée pour surveiller cette zone pour répondre aux attentes d’Israël en matière de sécurité. La majorité de la population de Gaza dépendant de l’aide extérieure pour sa survie de base, restreindre l’accès humanitaire devient une question de vie ou de mort. Sur le front économique, nous demandons à Israël de libérer les 500 millions de dollars environ de revenus des impôts et droits de douane qu’il retient.

Ces fonds sont indispensables pour répondre de toute urgence aux besoins humanitaires et économiques. Mais l’argent seul n’est pas la réponse bien sûr, pas plus que des « plâtres humanitaires sur une plaie ouverte ». À la fin, seuls un retour au processus de paix et une solution durable, avec deux États, peuvent apporter l’espoir et la guérison dans cette région troublée. Le besoin est urgent. Le moment est maintenant. C’est une question de solidarité et une question de sécurité pour nous tous.

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Par Jan Egeland et Jan Eliasson [Secrétaire général adjoint aux Affaires humanitaires et coordonnateur des secours d’urgence ; ministre des Affaires étrangères de la Suède et ancien secrétaire général adjoint aux Affaires humanitaires (1992-1994)].

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