Les années 1960-1970 nous sont faussement proches mais, en matière de politique internationale, difficilement déchiffrables. Les dirigeants du Nord-Vietnam et leurs concitoyens vivaient retranchés tous ensemble sous les bombardements : un peu partout il fallait créer de nouveaux Vietnam !
À Cuba où régnait Fidel, on célébrait Guevara : un peu partout, il fallait créer des focos, de nouveaux foyers révolutionnaires. La Chine diffusait les méthodes de guerre populaire du président Mao… À Paris, on se saluait du nom de camarades et au Quartier latin, le sous-sol de la librairie Maspero regorgeait de bulletins et de revues révolutionnaires, venus du monde entier, qui laissaient à espérer que la décomposition du vieux monde colonial laisserait la place à l’émancipation des peuples et à l’égalité des femmes et des hommes.
Dans cette perspective, la guérilla, la « petite guerre » était exaltée. La tentation était de la croire invincible alors qu’elle ne pouvait l’emporter que si elle s’appliquait à une société déjà intégrée, avec l’appui de forces populaires suffisantes. Pareillement, la question de la liberté dans des groupes nécessairement très disciplinés était fort peu posée : les héros ne pouvaient être fatigués.
Quant au terrorisme, difficilement séparable de la guérilla, le moment n’était pas venu non plus de l’interroger. Qu’il puisse se substituer à un soutien populaire qui manquait ne venait guère à l’esprit. Une maxime chinoise ne disait-elle pas : mieux vaut tuer un homme et le faire savoir à mille autres que d’en tuer mille sans que personne ne le sache. Le terrorisme de l’époque était d’abord publicitaire.