jeudi 28 mars 2024

Le combat naval de haute intensité

Il y a des marines côtières, et des marines de haute mer. Des marines qui peuvent au mieux assurer la police des pêches et d’autres qui peuvent traquer et détruire des sous-marins, mener des raids aériens et protéger leurs lignes d’approvisionnement. Des marines qui restent au port quand se lève la brise, et d’autres qui peuvent affronter les tempêtes. On peut risquer sur les océans l’échouage et la collision, et craindre les fortunes de mer. On peut aussi y porter le feu et la violence extrême, ou devoir les combattre. Ce n’est pas la même affaire.

II y a des querelles qu’une canonnière peut traiter… Mais il y aura encore, à grande ou petite échelle, des combats requérant des capacités d’attaque et de défense très supérieures, contre les torpilles et les missiles, les radars, les sonars et les satellites, les mines, les roquettes et les canons… La bataille navale entre « forces organisées » semble avoir disparu, mais la multi-polarisation du monde et le réarmement de nombreux pays pourraient faire resurgir des acteurs capables d’une telle violence. Sans oublier que des combats de haute intensité peuvent toujours se déclencher hors des situations symétriques. Un sous-marin, même obsolète, reste avec ses torpilles dangereux ; et 150 sous-marins modernes ont été lancés dans le monde depuis 10 ans…

Le champ de bataille maritime

La mer constitue un champ de bataille complexe où les menaces sont multiples et le danger se pense en trois dimensions. Dans les airs, la menace missile prévaut. Fugaces et hyper-véloces, ces vecteurs sont tirés à partir de bâtiments ennemis, d’aéronefs ou de batteries côtières. ils imposent des capacités de détection, de brouillage et de destruction précises et rapides. Sur l’eau, les menaces nécessitent des moyens d’identification par tous les temps et des moyens de rétorsion permettant de répondre de manière immédiate et proportionnée. Sous l’eau, la prolifération des sous-marins classiques et l’extrême complexité des moyens de détection et de lutte représentent une menace difficile à contrer. Face à ces risques multiples, seules peuvent lutter des marines capables d’affronter la haute mer et de violents combats. Durer à la mer, opérer dans des conditions d’environnement difficiles, faire preuve de résilience sont des qualités indispensables.

Une marine destinée au combat

La force de frappe de la Marine nationale repose sur son porte-avions, ses sous-marins et ses frégates (1).

Le porte-avions (PA) remplit un double rôle politique et militaire. Il est l’expression de la puissance de la France et de sa volonté d’agir avec force. Mais il est aussi une véritable base flottante qui met en oeuvre un groupe aérien embarqué composé d’avions de chasse aptes à mener des frappes dans la profondeur.

Les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), par leur discrétion et leur endurance, sont capables de mener des opérations, parfois même sans élever le niveau des crises. Ils participent aussi à la protection des forces navales contre les sous-marins et les forces de surface, mettent en oeuvre des commandos, et à terme seront dotés d’un missile de croisière capable d’atteindre des cibles à grande distance.

Mais il faut aussi à une marine de combat des frégates. D’abord parce que PA et SNA ne peuvent agir seuls, ils ont besoin pour leur protection ou leur soutien de ces frégates fortement armées, mais aussi et surtout parce qu’elles sont l’outil essentiel de la maîtrise des espaces maritimes (avec leurs radars puissants, leurs sonars à longue portée, leurs missiles et torpilles, leurs hélicoptères démultipliant leurs capacités…).

Une technologie d’avance

De tels navires nécessitent une base industrielle et technologique de défense particulièrement performante. Un SNLE représente l’objet industriel le plus complexe au monde, loin devant une fusée Ariane ou un Airbus. Il agrège à lui seul des domaines aussi divers que ceux liés aux chaufferies nucléaires embarquées, aux missiles balistiques, à la navigation inertielle, à la détection sous-marine passive, au calcul informatique. La France est aujourd’hui un leader en matière de naval de défense, ce qui lui permet de conserver son autonomie stratégique. Grâce à son industrie à très haute valeur ajoutée, elle peut poursuivre la conception, la fabrication et le soutien des équipements nécessaires à sa Marine.

La maîtrise du temps long

La Marine bénéficie d’un savoir-faire reconnu dans tous les domaines de la guerre navale moderne : groupe aéronaval, navigation sous-marine, guerre des mines. La mise en oeuvre d’une marine océanique capable d’agir loin et longtemps dans une relative autonomie suppose des moyens financiers, mais surtout des capacités technologiques et des qualifications opérationnelles spécifiques que les grandes nations ont mis des décennies à acquérir. Le maintien de cet effort s’inscrit tout autant dans la durée et on peut ainsi en très peu de temps perdre la maîtrise de savoir-faire qui ne pourront de nouveau être acquis qu’au prix d’immenses efforts et de nombreuses années. Comme le disait Voltaire : « on a vu de bonnes troupes de terre formées en deux ou trois années par des généraux habiles et appliqués mais il faut un long temps pour se procurer une marine redoutable ».

Une puissance navale au service de l’ambition nationale.

La maritimisation du monde exacerbe les tensions étatiques et augmente les risques de conflits armés sur les mers ou la frange littorale. Les marines se trouvent au coeur des stratégies de défense et de sécurité des Etats. Elles doivent être capables d’assurer des missions de sauvegarde maritime, mais également de faire face à des combats de haute intensité dans un environnement complexe et dangereux.

Forte du deuxième domaine maritime mondial, la France dispose de voies d’approvisionnement vulnérables, à la merci des aléas de la route conduisant à Suez, et de là en océan Indien. Sans oublier son ouverture sur l’Atlantique et la Méditerranée qui bordent ses côtes.

C’est dans ce double contexte et avec constance que la France met en oeuvre sa marine océanique, dotée de bâtiments de combat de premier rang, dans cet effort s’inscrivant nécessairement dans le temps long. Si la Marine nationale permet de protéger les intérêts vitaux ou commerciaux de notre pays, de peser sur la scène internationale et de faire respecter le droit sur mer, il ne s’agit pas de sa seule mission : le combat naval de haute intensité demeure bien sa vocation première, celle d’une marine de guerre d’une grande puissance maritime.

(1) Sans oublier les bâtiments de projection et de commandement, les pétroliers-ravitailleurs, les chasseurs de mine, les avions de patrouille maritime et les commandos qui lui permettent d’être une marine océanique complète.

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Crédit photo : Stéphane Gaudin – Theatrum Belli 2010

Centre d'Études Stratégiques de la Marine (CESM)
Centre d'Études Stratégiques de la Marine (CESM)http://cesm.marine.defense.gouv.fr/
Héritier de l'école supérieure de guerre navale, le centre d'études stratégiques de la Marine (CESM) participe au rayonnement de la Marine nationale. Theatrum Belli participe depuis plusieurs années au rayonnement du pôle Études du CESM : lieu de réflexion sur les thèmes de géopolitique, stratégie navale, industrie de défense, et sur le fait maritime au sens large. Destinées au grand public comme aux marins, chercheurs ou étudiants, ses publications vont de la veille quotidienne à des études de fond, qui mettent en perspective les problématiques civiles ou militaires des océans. Theatrum Belli est également partenaire officiel du Prix Amiral Daveluy.
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