mardi 19 mars 2024

Audition du délégué général pour l’armement (Assemblée nationale, 12 oct 2016)

Mme la présidente Patricia Adam. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, qui vient nous présenter les crédits d’équipement de la mission « Défense » du projet de loi de finances (PLF) pour 2017. Après l’université de la défense, j’ai reçu de très nombreux messages commentant les propos que vous avez tenus sur la dissuasion, et nous ne pouvons que nous réjouir que le débat existe.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Le projet de loi de finances pour 2017 arrive à mi-chemin de l’exécution de la loi de programmation militaire (LPM) couvrant les années 2014 à 2019.

L’exécution du budget de cette année conditionne la prévision pour l’année prochaine. Pour le programme 146 « Équipement des forces » les besoins de paiement actualisés sont estimés à 11,5 milliards d’euros, quand les ressources prévisionnelles de crédits de paiement s’établissent à 10,5 milliards d’euros, répartis entre 9,9 milliards de crédits budgétaires initiaux, réserve levée, 592 millions d’euros de report de crédits de l’année 2015, et 73 millions d’euros de ressources extrabudgétaires liées aux fonds de concours et à l’attribution de produits. Ces crédits ont été réduits de 141 millions d’euros par des transferts vers d’autres programmes de la mission « Défense », 15 millions d’euros ayant notamment été alloués au financement de travaux urgents et réussis sur la soufflerie S1 de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) à Modane.

Le niveau des engagements prévus à la fin de l’année atteint 10,6 milliards d’euros. Les programmes à effet majeur représentent près de 50 % des besoins d’engagement. Le niveau des engagements en 2016 sera inférieur aux besoins de paiement car les principaux programmes ont été réalisés au cours de la première période de la LPM ; ainsi, à la fin de l’année 2016, soit à mi-parcours de la loi de programmation, 80 % des programmes à effet majeur auront déjà été lancés.

Comme chaque année, le risque principal de la gestion du programme 146 tient à l’incertitude du devenir des crédits gelés. La réserve de précaution du programme pour l’année 2016 atteint près de 800 millions d’euros, mais le gel ne se limite pas à cette réserve. En effet, la direction du budget a décidé de reporter 590 millions d’euros de crédits de paiement ouverts par la loi de finances rectificative (LFR) de décembre 2015 en 2016, puis a gelé ce montant au printemps dernier. Par ailleurs, un « surgel » supplémentaire, de 470 millions d’euros de crédits de paiement en 2016, a été appliqué au titre de la contribution de la mission « Défense » au financement d’un projet en faveur de l’emploi – tous les ministères ayant été sollicités sur ce point. Les crédits gelés du programme 146 s’élèvent au total à 1,858 milliard d’euros en crédits de paiement, soit environ 18 % de la ressource.

La valeur du report de charges sur le programme 146 dépendra donc des décisions prises pour ces crédits gelés ou mis en réserve. Si tous les gels étaient levés (gel, surgel et mise en réserve), le report de charges dépasserait légèrement 1,3 milliard d’euros en 2016, mais si tous les crédits gelés étaient annulés ou reportés, le report de charges pourrait approcher 3,2 milliards d’euros, montant compromettant l’équilibre de la LPM. La LPM initiale et ses actualisations successives ont prévu de contenir le report de charges à 2,8 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année 2019. Compte tenu de l’augmentation des besoins de paiement attendue en 2018 et en 2019, ce résultat ne pourrait être obtenu que si la totalité des crédits actuellement gelés pouvaient être consommés.

Le niveau sans précédent de ces gels de crédits conduit aujourd’hui même à une rupture de paiement, c’est-à-dire que depuis ce matin, les demandes de paiement que nous émettons vers le comptable ne sont plus couvertes en crédits de paiement. Cela arrive un peu précocement, car, l’an dernier, nous n’étions dans cette situation qu’à la fin du mois d’octobre. Je compte sur la représentation nationale pour nous aider à obtenir de Bercy le dégel de la réserve.

L’exécution des études amont au titre du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » est conforme, en engagements et en paiements, aux objectifs de la LPM. Si la réserve d’un montant de 65 millions d’euros était levée, nous nous retrouverions avec 681 millions d’euros d’engagements et un peu plus de 700 millions d’euros de paiements, dont 50 millions au profit du régime d’appui pour l’innovation duale (RAPID) à destination des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) innovantes.

Les principales études lancées en 2016 portent sur la poursuite des travaux relatifs à la préparation du renouvellement des missiles balistiques et des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), et une nouvelle campagne d’essai du démonstrateur européen de drone de combat (nEURon). Parmi les résultats d’études marquant en 2016, figure la fin de la phase de faisabilité du futur drone aérien de combat (FCAS-DP) réalisée en commun avec les Britanniques.

Le report de charges prévisionnel, dépenses obligatoires comprises, devrait atteindre 150 millions d’euros à la fin de cette année pour les études amont. Les devis et les délais sont globalement maîtrisés, et les indicateurs de la LPM actualisée sont globalement conformes aux objectifs du projet annuel de performance (PAP).

Dans le domaine de la surveillance et du renseignement, un quatrième système de drone Reaper, deux systèmes de drones tactiques, deux avions légers de surveillance et de reconnaissance ont été ou seront commandés d’ici la fin de l’année. Dans le domaine naval, les commandes des bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (les 3e et 4e BSAH), et de 48 missiles Aster destinés aux frégates multi-missions (FREMM) de défense aérienne sont également planifiées. Enfin, dans le domaine terrestre, la commande du nouveau fusil d’assaut, dit arme individuelle future (AIF), vient d’être notifiée à l’industriel allemand HK, à l’issue d’une procédure conduite dans le strict respect des directives européennes que vous avez transposées dans la réglementation française. Par ailleurs, nous avons commandé quatre avions Hercules C-130J conformément à l’actualisation de la LPM, et devons lancer, d’ici à la fin de l’année, la rénovation des missiles de croisière anti-infrastructures, les SCALP-EG.

À la fin de cette année, nous aurons livré un deuxième système de drone Reaper, un lot de missiles M51 – dont le ministre vient de mettre en service opérationnel la version M51.2 – et trois avions A400M, dont le troisième devrait être livré avant la fin de l’année conformément aux engagements pris par Airbus auprès du ministre l’an dernier. Nous avons également livré six NH90, dont deux en version navale et quatre en version terrestre, cinq hélicoptères Tigre en version HAD, 120 stations sol COMCEPT et une frégate de type FREMM.

Plusieurs « urgences opérations » ont été lancées en 2016 pour un montant de 49 millions d’euros : des corps de bombes de 250 kilogrammes, le système Auxylium, réseau de communication destiné à améliorer l’interopérabilité avec les forces du ministère de l’Intérieur dans Sentinelle, des robots de reconnaissance subaquatique, des systèmes projetables de cyberdétection. D’autres commandes, à hauteur de 30 millions d’euros, devraient être passées d’ici la fin de l’année dont des postes de radio. Les « urgences opérations » représentent moins de 50 millions d’euros, ce qui indique que ce que les matériels livrés et déployés sur le terrain répondent aux attentes, preuve que l’on ne s’est pas trompé dans leurs spécifications.

Vous connaissez le montant historique de nos exportations de matériel d’armement en 2015, 16,9 milliards d’euros. Il s’agit d’un changement d’échelle radical par rapport à ce que l’on constatait auparavant : cette somme représente plus du double de celle de 2014, qui était une bonne année, et plus de quatre fois le résultat de certaines années creuses. Cette performance permet à la France de consolider sa position dans le peloton de tête mondial. Les pays du Proche et du Moyen-Orient ont passé les trois quarts des prises de commandes que nous avons reçues, le secteur aéronautique comptant pour plus de 60 % des 16,9 milliards d’euros. Le succès du Rafale a profité au secteur des missiles qui totalise près de 20 % des commandes. Le secteur naval a enregistré 10 % des commandes, le principal contrat étant la vente d’une FREMM à l’Égypte.

En 2016, plusieurs contrats d’envergure ont d’ores et déjà été conclus : un satellite de télécommunications pour 600 millions d’euros avec l’Égypte, des hélicoptères Caracal avec le Koweït pour plus d’un milliard d’euros, et, avec l’Inde, 36 avions Rafale et leurs armements associés pour un montant de l’ordre de huit milliards d’euros ; en outre, l’Australie a choisi en avril dernier DCNS, plutôt que ses concurrents japonais et allemand, comme partenaire privilégié pour la conception de ses 12 futurs sous-marins. La décision australienne consacre l’excellence de l’offre industrielle française qui s’appuie sur les savoir-faire acquis dans les SNLE et les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), principalement le Barracuda. Nous continuons d’œuvrer pour concrétiser d’autres projets majeurs concernant des hélicoptères, des sous-marins et des bâtiments de surface.

La DGA emploie 9 600 personnes, les décisions du président de la République après les attentats de novembre 2015 ayant permis d’alléger de 86 postes la baisse des effectifs prévue, cette déflation s’élevant à 130 emplois pour deux ans. La masse salariale atteint 740 millions d’euros, mais je suis préoccupé par la faible compétitivité des salaires offerts par l’État par rapport à ceux du secteur privé. Il faut réfléchir aux mesures à prendre pour rester compétitifs en matière de recrutement des ingénieurs civils, notamment dans des domaines spécifiques comme la cyberdéfense.

Dans le budget pour 2017, les besoins de paiement pour le programme 146 se montent à 10,4 milliards d’euros et les ressources en crédits de paiement s’établissent à 10,13 milliards d’euros. Ces ressources se répartissent entre 10 milliards d’euros de crédits budgétaires et des prévisions de ressources extrabudgétaires atteignant 74 millions d’euros. Sauf aléa budgétaire, le report de charges devrait être dégradé d’environ 200 millions d’euros, ce qui n’est pas très conséquent.

Les besoins d’engagement s’élèvent à 11,6 milliards d’euros, ce niveau élevé s’expliquant par la commande de quelques « gros » équipements : un sous-marin Barracuda, des véhicules Jaguar et Griffon dans le cadre du programme Scorpion, l’acquisition des véhicules légers tactiques polyvalents (VLTP) et la préparation du segment sol Syracuse 4. Ces quatre derniers engagements représentent 2,5 milliards d’euros sur les 7,6 milliards d’euros de besoins d’engagement pour les programmes à effet majeur.

Dans le programme 144, les ressources consacrées aux études amont sont de l’ordre de 857 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 720 millions d’euros en crédits de paiement. Le PLF pour 2017 se caractérise par une forte hausse du niveau d’engagements, liée au lancement de la phase suivante du programme FCAS-DP en coopération avec le Royaume-Uni. Ce niveau d’engagements reste cohérent par rapport au flux de paiement annuel moyen de 730 millions d’euros, prévu par la LPM initiale et actualisée pour la période allant de 2014 à 2019. Les autres études amont se concentreront sur la maturation technologique du futur missile de longue portée, en préparation des programmes missile antinavire successeur de l’Exocet et missile de croisière successeur du SCALP-EG. Nous travaillons en coopération avec le Royaume-Uni dans ces domaines. Nous conduisons également des études relatives à la préparation du renouvellement des missiles balistiques et des SNLE, ainsi que sur la cybersécurité.

Parmi les commandes emblématiques, on peut citer un sous-marin d’attaque Barracuda, la rénovation de 45 Mirage 2000D, 15 nouveaux pods de désignation laser, 319 véhicules Griffon, deux bâtiments multi-missions (B2M) et un patrouilleur léger guyanais. Nous prévoyons de livrer neuf hélicoptères NH90, six hélicoptères de combat Tigre, 379 camions porteurs polyvalents terrestres, trois A400M, une FREMM et deux B2M.

Les contrats nouveaux à l’exportation comportent dorénavant un volet de prestations étatiques important, tant dans la préparation des contrats eux-mêmes que dans leur exécution. Cette situation nouvelle, rencontrée depuis peu du fait des demandes des États clients, tranche avec le soutien à l’exportation pratiqué jusqu’alors. Elle constitue une tendance de fond appelée à s’inscrire dans la durée. À ce titre, le contrat indien nécessitera une implication très forte des personnels de la DGA pour accompagner le client lors du développement des avions, dont le standard sera différent de celui de la France, et plus largement pour surveiller l’exécution du contrat. Les armées seront également fortement impliquées.

Les effectifs de la DGA ne permettent pas, en l’état, d’absorber la charge des contrats exports en préparation au profit des différents clients tout en maintenant l’ensemble des activités au profit des programmes nationaux. Un renfort est ainsi nécessaire, estimé à 300 emplois sur la période de la LPM, dont une grande partie dans les mois qui viennent.

Même si la DGA est, dans le temps, la première confrontée à ce besoin du fait de son implication dans la préparation des contrats, les armées seront également sollicitées le moment venu. De fait, nous présenterons avec elles une feuille de route pour l’accompagnement des exportations de défense.

J’observe que la gestion de cet effort ne relève pas d’une question uniquement de défense dès lors que les retombées économiques (emplois, recettes fiscales) et diplomatiques des exportations d’armement en dépassent largement le cadre. Il serait ainsi légitime de partager l’effort avec les autres ministères. De plus, nous fournissons des prestations d’accompagnement des exportations de défense dont les industriels retirent du chiffre d’affaires, des emplois et des bénéfices, il est donc normal que nous les facturions afin de contribuer à compenser les dépenses encourues par la défense. Nous incitons nos amis des armées à demander la même chose, même si les industriels sont réticents.

Je souhaite insister en conclusion sur ma préoccupation principale qui tient à la fin de gestion et au gel de 1,858 milliard d’euros. Cela conditionne entièrement l’exécution du budget de 2017. Il ne nous reste plus de crédits de paiement le 12 octobre. De ce fait, nous devons différer la notification des contrats nouveaux jusqu’au début du mois de décembre.

Mme la présidente Patricia Adam. Notre commission appuiera votre demande pour que les fonds soient débloqués le plus rapidement possible.

Mme Marianne Dubois. Monsieur le délégué général, les missiles Crotale R440 arrivent en fin de vie et ne peuvent plus être rénovés. Les dotations en missiles MVT1 nécessitent d’être remis à neuf au bout de quinze ans, soit en 2021. Le Livre blanc ne confirme pas le maintien de la composante de courte portée, et le calendrier de décision sur ce sujet risque d’avoir un impact négatif sur le mode opérationnel, sur le site de Fleury-les-Aubrais où sont produits les Crotale et sur les clients étrangers qui envisagent de prolonger la durée de vie de leur système. Où en sont les réflexions sur la composante de courte portée Crotale ?

M. Jean-François Lamour. Monsieur le délégué général, quelle est la position de la DGA sur la fourniture à l’armée de l’air du solde de la tranche 4 du contrat Rafale et du démarrage de la tranche 5 ?

Quelle est votre réflexion sur le passage du standard F3R au F4 pour le Rafale ? Nous avons obtenu de grands succès à l’exportation, et l’on souhaite qu’ils se reproduisent dans les années à venir.

Le général Jean-Pierre Bosser a évoqué une accélération du processus de remplacement du véhicule de l’avant blindé (VAB) par le véhicule blindé multi-rôles (VBMR) en laissant entendre que l’industriel pourrait, sous certaines conditions, y faire face. Quel est votre sentiment ? J’ai visité le 35e régiment d’artillerie parachutiste (RAP) à Tarbes qui dispose d’un parc de 40 VAB, mais qui ne pourra plus en utiliser que la moitié l’année prochaine, à cause d’un problème d’extincteur moteur. Est-il possible d’obtenir plus rapidement les VBMR ?

Mme Marie Récalde. La notification du standard F4 du Rafale pourrait-elle avoir lieu en 2017 ? Le pari à l’exportation est gagné, mais il ne faudrait pas être entravé par des difficultés de livraison ; dans cette optique, il convient de ne pas négliger les études amont.

Où en est l’avancement du projet de drone de moyenne altitude et de longue endurance (MALE) franco-germano-italo-espagnol ? 

M. Jean-Jacques Candelier. Le légendaire fusil d’assaut FAMAS équipe nos soldats depuis 1979 et, soi-disant dépassé, sera remplacé par le fusil HK 416 allemand. On assiste, depuis dix à quinze ans, au démantèlement de notre industrie d’armement, et on ne peut plus avoir de fusils français. Il s’agit d’une erreur capitale, d’autant plus qu’a été signé un contrat d’entretien pour le HK 416 de trente ans !

Estimez-vous, Monsieur le délégué général, que le recours de l’industriel belge Herstal sur les modalités de l’appel d’offres soit fondé ? Pourquoi, à l’instar des Indiens, le Gouvernement français n’exige-t-il pas que le maintien en condition opérationnelle (MCO) du futur fusil reste en France ? Avons-nous retenu les leçons de nos erreurs de sous-traitance des munitions du FAMAS ? Une modernisation du FAMAS, plus économique et plus durable, était-elle inenvisageable ?

M. Laurent Collet-Billon. Madame Dubois, la LPM ne fait aucune mention du remplacement ni même de la modernisation du Crotale. Un pays oriental s’était déclaré intéressé par une actualisation de ses systèmes d’armes terrestres, mais il n’a pas donné suite. Dans le cadre de la modernisation des porteurs, notamment celle des frégates, d’autres solutions existent, comme des systèmes d’armes de courte portée reposant sur des missiles d’interception, de combat et d’auto-défense (MICA) à lancement vertical, ou des missiles MISTRAL. Il faudra débattre de ce sujet lors de l’élaboration de la prochaine loi de programmation militaire, voire lors de l’éventuelle actualisation de la présente après l’élection présidentielle. Les frégates La Fayette (FLF) seront dotées de capacités de détection acoustique sous-marine et l’autoprotection des bâtiments sera améliorée, afin de permettre à la marine de tenir le format de quinze frégates de premier rang en attendant l’arrivée de la première frégate de taille intermédiaire. Madame Dubois, ce dossier reste donc à étudier.

Monsieur Lamour, plusieurs questions se posent sur les tranches 4 et 5 des Rafale. Quand faut-il développer le standard F4, devant succéder au standard F3R ? Ce nouveau standard comportera des améliorations des logiciels de détection du radar à antenne active et des contre-mesures électroniques de l’avion ; la capacité d’emport d’armes se trouvera également accrue, ce qui permettrait d’y installer le MICA de nouvelle génération. L’objectif est de disposer d’une flotte dont tous les appareils auraient le même standard, ne serait-ce que pour faciliter le soutien logistique et la mission des pilotes. La LPM prévoit la commande du standard F4 en 2018, des travaux préliminaires devant être entrepris l’année prochaine. Dans l’industrie, certains aimeraient voir débuter le standard F4 dès 2017, notamment à cause d’un problème de plan de charge dans le bureau d’études. Il serait malsain de faire dépendre la viabilité du bureau d’études de Dassault du standard F4, d’autant que le développement du nouveau standard des avions pour l’Inde prévoit l’utilisation d’équipements non européens et dont l’intégration à conduire représentera une charge significative. En 2017, le nouveau Gouvernement décidera de l’opportunité d’accélérer ou non la notification du standard F4.

La fin de la livraison de la tranche 4 aura lieu dès que possible, en fonction du calendrier des exportations et des souhaits de l’armée de l’air et de la marine. La chaîne de production du Rafale à Mérignac pourrait monter jusqu’à trois appareils par mois. Il est hors de question de laisser traîner la queue de production de la tranche 4 au-delà du raisonnable car cela créerait trop de problèmes d’obsolescence.

Nous pourrions accélérer le calendrier de production du programme SCORPION, qui a été défini en fonction des disponibilités financières de la LPM et de sa projection jusqu’en 2025. Si l’on disposait de crédits supplémentaires, on parviendrait techniquement et industriellement à accélérer la production, ce à quoi je ne serais pas hostile. Il convient de mettre en perspective l’accélération potentielle du programme SCORPION, comprenant d’excellents véhicules que nous parviendrons sans doute à exporter, avec le coût d’entretien des VAB et l’indisponibilité de certains véhicules qui subissent un acharnement thérapeutique. Il est prévu de produire de l’ordre de 24 véhicules Jaguar par an, pour une période de dix ans, et il n’y a pas de doute que l’on puisse faire mieux. La limite à l’accélération du programme SCORPION tient dans notre souhait de terminer proprement les développements et les qualifications des matériels avant le démarrage de la production.

Madame Récalde, le contrat du drone MALE européen est parti, l’Espagne s’étant jointe au projet au mois d’août dernier. Plusieurs difficultés peuvent survenir pour ce programme. Tout d’abord, si l’on souhaite utiliser ce type de drone en toute sécurité aéronautique au-dessus d’une zone très peuplée, les règlements de l’aéronautique civile imposent de le doter de deux moteurs, ce qui ferait exploser son prix. Nous avons déjà échoué cinq fois dans le passé à cause du coût du projet, si bien qu’il faut veiller à cet aspect ; nous avons prévenu nos partenaires de ce risque en insistant sur le fait que si les capacités d’utilisation n’étaient pas comparables à celles du Reaper, on ferait face à un vrai obstacle. Par ailleurs, nous sommes vigilants quant à l’entrée de nouveaux partenaires dans le programme, un projet à quatre pays nous semblant déjà suffisamment difficile à conduire.

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HK416 dans les mains d’un soldat des forces spéciales. Crédit : Stéphane Gaudin.

Monsieur Candelier, après une réflexion poussée, il a été décidé d’arrêter la fabrication du FAMAS il y a longtemps, et les ateliers qui le produisaient ont fermé il y a vingt ans. Je ne partage pas votre jugement sur le démantèlement de l’industrie d’armement. Le choix du fusil allemand HK 416 résulte d’une mise en compétition d’industriels, d’une évaluation commerciale et d’une longue étude technique et opérationnelle. Plusieurs centaines de milliers de cartouches ont été tirées pour vérifier les performances initiales de l’arme et leur évolution au cours des années. Le HK 416 est fabriqué à partir d’un acier Aubert & Duval, conçu aux Ancizes. Il faut produire entre 115 000 et 120 000 armes, ce chiffre pouvant varier en fonction du format des armées et de la manière dont sera dotée la Garde nationale. L’évaluation initiale du coût du programme s’établissait à 250 millions d’euros, mais nous avons obtenu un prix très sensiblement inférieur. Je vous rappelle que, de notre côté, nous avons vendu à l’Allemagne un troisième satellite d’observation optique dans le cadre du programme multinational d’imagerie spatiale pour la surveillance, la reconnaissance et l’observation (MUSIS). Le HK 416 est en service dans les forces spéciales qui l’apprécient tout particulièrement. L’industriel belge FN Herstal a déposé un référé devant le tribunal administratif puis un appel devant la cour administrative d’appel qui ont été tous deux rejetés. Le contrat est donc notifié et s’exécute, les premières armes devant être livrées en 2017.

M. Jean-Michel Villaumé. Monsieur le délégué général, quel bilan dressez-vous de l’A400M ? Que pensez-vous de ses déboires, de son coût et des retards du programme ?

Pourriez-vous nous faire un point sur le renouvellement des satellites Syracuse ?

M. Gilbert Le Bris. Monsieur le délégué général, en tant qu’ingénieur de l’armement et chef de la DGA depuis près de neuf ans, vous êtes le mieux placé pour répondre à ma question sur le transfert de technologies ou de services lié à des ventes à l’étranger. Nous avons subi une déconvenue avec la Pologne au sujet des hélicoptères Caracal et les négociations sur les Rafale ont été très difficiles en Inde, si bien que je me demande si les industriels ne sous-estiment pas les capacités d’innovation de certains pays lorsqu’ils affirment que notre avance technologique est suffisante pour leur proposer des transferts sans craindre de les aider à nous concurrencer.

Quel est l’impact des succès à l’exportation sur les ressources humaines à la DGA ?

M. Yves Fromion. Monsieur le délégué général, pourriez-vous nous dire un mot sur le rapprochement entre Krauss-Maffei Wegmann (KMW) et Nexter Systems ?

A-t-il été envisagé de confier l’entretien et le MCO du HK 416 à un industriel français ou les Allemands en auront-ils la responsabilité ?

La négociation avec l’Inde s’était ouverte sur 126 Rafale. La commande des 36 appareils est-elle définitive ou peut-on espérer l’augmenter ?

La mode actuelle consiste à débattre de l’objectif de consacrer 2 % des dépenses budgétaires à la défense. Quelle serait l’enveloppe nécessaire pour accélérer la mise en œuvre du programme des Griffon et des Jaguar ? Vous avez affirmé que le programme SCORPION serait qualifié en 2020, mais cette durée de quatre ans pour qualifier les deux types de véhicules me semble bien longue au regard de l’urgence résultant du délabrement des VAB. Pourrait-on réduire ce délai ?

M. Philippe Vitel. Il est prévu de moderniser les quatre AWACS que nous possédons. À quelle date envisagez-vous la fin de ce programme ?

S’agissant des drones tactiques, prévoyons-nous toujours de remplacer 20 Sperwer par 14 Patroller et d’acquérir 12 Reaper ? Le calendrier de ces programmes est-il respecté ?

Pourquoi les quatre pays européens engagés dans le projet du drone MALE européen ne contribuent-ils pas à parts égales à la réalisation des études ? Les Allemands y consacreraient 18,6 millions d’euros, alors que les trois autres ne paieraient que 13,8 millions d’euros chacun. Cette répartition ne laisse-t-elle pas présager une mainmise des Allemands sur ce programme ?

L’étude de faisabilité du système de combat aérien du futur (SCAF), réalisée avec nos amis britanniques, devait être livrée à la fin de l’année 2016. Le calendrier est-il tenu ? Où en sommes-nous aujourd’hui dans ce projet représentant plus de deux milliards d’euros ?

Plusieurs entreprises se lancent dans la construction de ballons, qui peuvent être utilisés pour surveiller les frontières et les camps militaires, mais également pour mener des missions de renseignement et de reconnaissance. Quel avenir leur voyez-vous ?

M. Laurent Collet-Billon. Monsieur Villaumé, le lancement de la phase de réalisation de Syracuse 4 a eu lieu à la fin de l’année 2015. La DGA a notifié le contrat de réalisation du segment spatial à deux industriels, Airbus Defence and Space et Thales Alenia Space. On prévoit de débuter la réalisation du segment sol à la fin de l’année 2017 et de mettre en orbite des satellites en 2021 et 2022. Il fut compliqué de mettre ce programme au point en raison des querelles entre les industriels français opérant dans les satellites de télécom, nourries par l’avance de l’un d’entre eux dans la propulsion ionique des plateformes. Aujourd’hui, une paix armée règne sous la haute autorité de la DGA et le programme se déroule normalement. Cette affaire nous a coûté beaucoup d’énergie, mais on y attache beaucoup d’importance car on connaît très précisément la date de la fin de vie des satellites. Les nouvelles générations de satellites disposeront de capacités d’antibrouillage très fortement accrues. Seront-ils exportables ? La question se pose, car il s’agit de « bêtes de course » dont le prix est élevé et qu’il convient de ne pas vendre à n’importe quel pays au vu de la qualité supérieure de l’antibrouillage.

À l’été 2015, M. Enders s’est engagé auprès M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, à livrer avant la fin de l’année 2016 six avions A400M dotés de capacités tactiques initiales, concernant l’autoprotection, les terrains sommaires et l’aérolargage. Trois de ces avions doivent être mis à niveau dans les usines du constructeur à Getafe, près de Madrid, et les trois autres seront neufs. Quinze jours après l’entretien entre MM. Enders et Le Drian est survenue l’affaire des boîtes relais des réducteurs d’hélices (PGB – Propeller Gear Box) qui nous occupe depuis un certain temps et a connu de nombreux remous.

Aujourd’hui, une solution de changement du boîtier réducteur d’hélice, sans déposer le moteur, a été validée par les nations. On sait en effet à présent changer ce réducteur sans démonter complètement le moteur, ce qui permet de réduire la durée d’immobilisation de l’avion d’une vingtaine de jours à quelques jours environ.

Ensuite, une solution transitoire a été définie sur les actuelles PGB, qui consiste à réaliser une modification nommée truncated plug, en raccourcissant un des pignons ce qui permet de déplacer les fréquences de résonance de la boîte relais. Cette modification est validée, qualifiée, et certifiée par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) depuis le 7 juillet dernier. Cette solution nous permet de décaler la première inspection de chaque boîte relais, à 650 heures au lieu de 50 heures actuellement. En même temps, la définition de la solution définitive est en cours, une solution qui doit nous porter à quelques milliers d’heures. Nous verrons cela ultérieurement ; la priorité pour l’instant est de remettre la flotte en état de vol.

Nous faisons ce qui est nécessaire pour être les premiers bénéficiaires des boîtes relais modifiées, pour une raison très simple, c’est que nous sommes les premiers utilisateurs de l’avion, des utilisateurs massifs et des utilisateurs en opérations.

Nous allons sortir d’une situation pénible. Cela permettra-t-il à M. Enders de respecter son engagement vis-à-vis du ministre à la fin de l’année ? Il reste encore deux mois et demi pour le savoir. Nous le souhaitons car cet avion, quand il vole en Afrique, représente un apport tout à fait remarquable. Dernièrement ont eu lieu les premiers posés tactiques sur des terrains non préparés : l’avion s’est révélé bien meilleur sur ces terrains qu’un C-130.

Il faut que l’industriel trouve les moyens d’assurer la production au rythme prévu dans le contrat, dans des conditions de qualité normales. Or, aujourd’hui, nous ne sommes pas certains que le rythme sera celui qui est attendu par les nations. Je pense néanmoins que la situation à la fin de l’année sera moins terrible que celle en début d’année.

Sur les transferts de technologie, Monsieur Le Bris, nous faisons extrêmement attention. Dans les derniers contrats Rafale, par exemple, il n’y a pas de transfert de technologie du tout. Ce qui était prévu dans le cadre des 126 Rafale, en Inde, n’a pas lieu sur les trente-six ; ce sont des offset qui regardent les industriels mais ne concernent pas des transferts de technologies propres au Rafale.

Je n’ai pas de commentaire à faire sur l’annulation du marché d’hélicoptères par la Pologne. Le niveau d’offset était très important parce que la Pologne faisait valoir que l’appel d’offres concernant les hélicoptères avait été lancé avant son entrée dans l’Union européenne et que, par conséquent, les règles prohibant les offset au sein de l’Union ne s’appliquaient pas. S’il y a un nouvel appel d’offres, les règles de l’Union devront forcément s’appliquer. Je suis sûr que le ministre de la Défense et ses équipes seront extrêmement attentifs à la manière dont les choses se passeront.

S’agissant de l’Inde, les 36 Rafale sont une « tête de gondole ». Quand ils les auront essayés, ils les apprécieront. La facilité de mise en œuvre de l’avion est exceptionnelle, le nombre de personnes nécessaires pour la mise en œuvre est très réduit par rapport à ce que nous avons pu observer sur des avions américains ou russes. Les performances du radar sont extraordinaires. Ce lot de 36 appareils a été conçu comme une réponse immédiate à un besoin réel des forces indiennes. L’acquisition de ces avions leur permet de constituer un noyau autour duquel les Indiens pourront construire une force aéronautique complémentaire moderne. Ils nous connaissent déjà car ils possèdent une flotte de Mirage 2000, en cours de modernisation, et qui fonctionne très bien. Je pense donc que nous irons assez largement au-delà des 36. Dans ce cas se posera peut-être de nouveau la question du transfert d’une chaîne d’intégration en Inde.

L’évolution du dossier KNDS, Monsieur Fromion, est bonne. Les deux équipes s’entendent de mieux en mieux et l’on constate des débuts de coordination sur l’exportation : KMW accepte de ne pas aller sur des marchés où nous proposons des équipements Nexter. Le futur char lourd sera l’occasion de s’assurer que l’on obtient effectivement le meilleur des savoir-faire français et allemands. Je souligne également le bon fonctionnement du conseil de surveillance de l’ensemble, avec une personnalité active et très efficace en son sein, Antoine Bouvier.

M. Gilbert Le Bris. Je n’ai pas eu de réponse à ma question concernant l’impact des bons scores de l’export sur les ressources humaines de la DGA.

M. Laurent Collet-Billon. Au total, 600 personnes seront nécessaires, au vu des contrats et prospects actuels, pour tenir compte de l’évolution de l’implication de l’État dans les contrats d’ici 2025, dont 300 d’ici à la fin de la loi de programmation, en 2019. L’accent est mis sur le recrutement d’ingénieurs de haut niveau. La question, qui sera généralisée à l’ensemble de l’action de l’État, est de savoir comment compenser la charge que représente pour l’État l’action de ces personnels-là au profit de l’industrie française. Concrètement, au-delà du rôle naturel de l’État sur des prospects, telle la démonstration de la qualité des équipements proposés, la réalisation d’actions directement liées à un contrat déterminé représente des prestations concrètes pour la DGA qui doivent être financées.

L’accélération du programme SCORPION est un travail que nous allons conduire avec l’état-major de l’armée de terre pour commencer. Le flux de crédits de paiement prévu aujourd’hui est de l’ordre de 700 millions d’euros par an à partir de 2020. Comment peut-on augmenter ce flux, et quels sont les crédits de paiement que nous pouvons récupérer du fait de l’absence de MCO sur des véhicules très détériorés ? Il faut calculer cela et vérifier que l’on peut atteindre par exemple une augmentation de 30 % par an.

M. Yves Fromion. J’ai souligné qu’il fallait quatre ans pour qualifier le programme. N’est-ce pas un peu long ?

M. Laurent Collet-Billon. Les véhicules ne sont pas encore développés. Ce que vous avez vu à Eurosatory, ce sont des maquettes. L’expérience montre que nous avons intérêt à soigner la préparation de l’introduction des matériels dans les forces, car celles-ci rejettent psychologiquement le matériel qui est mal né, et il n’y a pas de retour en arrière possible. Nous préférons que cette étape soit un peu complexe et longue car elle nous permet de démontrer la bonne adéquation du matériel à ce qu’attendent les personnels des armées, en l’occurrence les sous-officiers et les militaires du rang.

M. Yves Fromion. Pour le VBCI, cela avait été beaucoup moins long.

M. Laurent Collet-Billon. Non, cela avait été beaucoup plus long, car il s’était produit un bogue énorme en plein milieu du développement. Le programme avait débuté en 2000 et les premières livraisons ont eu lieu huit ans après. Mais les matériels ont pu partir en Afghanistan dans la foulée ; c’est à cela que sert l’expérimentation.

Le calendrier pour les AWACS, Monsieur Vitel, prévoit la livraison du quatrième avion en 2016. La rénovation de l’avionique est lancée et une provision prévue à cet effet.

Selon moi, la question qui se pose désormais porte davantage sur ce qui viendra après l’AWACS. Et une question similaire se pose sur l’E-2C : qu’est-ce qui succédera à l’E-2C à bord du porte-avions ? Il s’agit de matériel américain et je ne crois pas que nous ayons la surface financière, en termes de séries, pour développer nos propres produits. Par ailleurs, l’orientation future devra-t-elle être encore la voie aéroportée ou bien des porteurs divers, drones, avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR), ballons stratosphériques, tous mis en réseau ? Ce débat s’amorce à l’OTAN et les Américains arrivent évidemment avec des programmes déjà ficelés. C’est un point clé pour nous car l’AWACS est un pivot de nos opérations.

En ce qui concerne les drones, nous avons toujours en perspective quatorze vecteurs Patroller – système de drone tactique – et douze Reaper. Le dernier Reaper sera livré avant la fin de la LPM, dans un standard moderne permettant de voler facilement sur la France. Pour le Patroller, le choix industriel issu de la compétition, Safran, n’était pas le plus probable a priori, mais leurs conditions de performance et de prix l’ont emporté. Il est prévu que le premier Patroller soit livré à l’armée de terre début 2019. Un des points forts du Patroller est la boule optronique Safran, qui apporte des performances remarquables s’agissant de l’identification des objectifs.

En ce qui concerne le SCAF, la phase de faisabilité se termine et nous préparons le contrat de la phase suivante, qui va démarrer en 2017. Le Premier ministre britannique et le président de la République ont indiqué lors du sommet d’Amiens que chaque pays dépenserait de l’ordre d’un milliard d’euros pour la phase de démonstration. Reste à voir si d’autres pays européens seront accueillis, car il ne faut pas se cacher que les développements seront extrêmement onéreux. Il faut développer à la fois un véhicule aérien, de nouveaux senseurs, de nouveaux armements qui se montent en soute, et ainsi de suite ; on refait un système aérien complet, avec en outre de l’intelligence artificielle. C’est un travail vraiment passionnant.

On ne sait pas ce que sera le drone européen MALE. La phase en cours, je l’ai dit, est la phase de spécification, qui permettra de connaître la complexité du produit et donc au final son coût.

M. Philippe Vitel. À ce sujet, je vous lis une note : « Le ministère allemand de la Défense a pris la direction de l’étude et versé une enveloppe de 18,6 millions. » Est-ce que nous n’allons pas nous faire avoir ?

M. Gwendal Rouillard. Pour le programme de frégate de taille intermédiaire (FTI), êtes-vous un partisan du MDCN et de l’Aster 30 ? Pour BATSIMAR, beau sujet, êtes-vous partisan d’avancer le programme, conformément à la volonté réaffirmée ce matin par le chef d’état-major de la marine ici-même ? Où en sommes-nous de l’éventuelle filière française de bouées acoustiques, un sujet qui, je sais, vous préoccupe beaucoup ? Enfin, sur le MCO du NH90, considérez-vous que le consortium initial, NHI, soit toujours pertinent, au vu des délais constatés pour remplacer telle ou telle pièce et le nombre de coups de fil à passer dans telle ou telle capitale européenne ?

M. Pierre Lellouche. Ma première question est financière. Si j’ai bien compris, 1,8 milliard d’euros sont bloqués, c’est-à-dire plus de 10 % du budget d’équipement prévu.

M. Laurent Collet-Billon. Et même 18 %.

M. Pierre Lellouche. Ça fait beaucoup. Lors d’un conseil de défense au mois d’avril, il a été décidé de dépenser trois milliards supplémentaires. Un premier milliard doit être trouvé l’année prochaine mais n’est pas encore totalement budgété, et les deux autres milliards sont pour le prochain gouvernement. Si, donc, je fais la somme des efforts annoncés par le Gouvernement, il en manque 1,8 milliard cette année, un autre milliard reste théorique pour l’année prochaine, et deux milliards sont pour le prochain Gouvernement. C’est cela, l’effort de défense supplémentaire après les attentats, ou bien je n’ai pas compris ?

Plusieurs décisions ont été prises à l’OTAN sur les programmes antimissiles. Il existe un certain nombre d’États proliférateurs à peu de distance de l’Europe, l’Iran et quelques autres. La France mène-t-elle, dans le cadre de la modernisation prévue de sa force de frappe, une réflexion sur les antimissiles au-delà des premières capacités offertes par l’ASTER ?

Enfin, la question des drones armés. Vous avez rappelé dans quelles conditions notre pays a malheureusement fait l’impasse technologique sur ces systèmes. Le Reaper peut-il être armé ou faut-il attendre un hypothétique système MALE, qui n’arriverait de toute façon pas tout de suite et n’est pas budgété ?

Mme Isabelle Bruneau. En tant que rapporteure pour avis du programme 144, je me félicite du maintien des crédits de ce programme à une moyenne annuelle de 730 millions, ainsi que s’y était engagé le ministre de la Défense. Dans un environnement stratégique en mutation, ce programme revêt une importance accrue car il prépare l’avenir de la défense.

L’ONERA, dans ce cadre, apporte une contribution déterminante à notre avenir aéronautique et spatial, militaire et civil, et je salue l’intervention du ministre de la Défense qui a permis en 2016, par une contribution de 20 millions d’euros, dont cinq millions en réserve, de sauver la soufflerie stratégique de Modane menacée d’effondrement. Mais l’ONERA, qui a fêté dernièrement ses soixante-dix ans, est loin d’être assurée de son avenir et de son maintien à un niveau d’excellence, malgré des efforts de réorganisation interne et un haut niveau de commandes de tiers. Le budget prévu pour 2017 – 105 millions d’euros – est en effet identique à celui de 2016, ce qui ne lui permettra pas de faire face à certaines échéances.

Que comptez-vous faire pour permettre la relocalisation des emprises de Meudon et Châtillon, dont la vente ne couvrira vraisemblablement pas le transfert, le déficit étant évalué autour de 40 millions d’euros ? Par ailleurs, quelles sont vos intentions pour le plan ATP de remise à niveau de l’ensemble des souffleries, estimée à 218 millions d’euros sur onze ans ?

M. Alain Rousset. La DGA est notre seul outil de politique industrielle. Nous importons beaucoup de technologies critiques de l’extérieur, des technologies pour lesquelles nous sommes ainsi dépendants de l’Asie, des États-Unis ou d’autres pays. Dans l’état actuel du monde, où les frontières remontent, la DGA conduit-elle une analyse sur ces technologies critiques ? Je pense en particulier aux technologies informatiques. Je ne suis pas sûr que l’on soit aujourd’hui capable en France de faire une carte. Je pense également à certains logiciels ou encore à certains matériaux. Conduisons-nous une veille des technologies critiques concernant notre armement et ses mutations dans l’avenir ?

Mme Geneviève Fioraso. Je souhaite poser des questions sur les satellites, en commençant par les capacités d’observation à visée stratégique, comme l’alerte nucléaire. Un démonstrateur a prouvé que les compétences techniques nécessaires pour le réaliser étaient présentes. Cela rejoint la question de M. Lellouche sur nos capacités à contrer des tirs de missile hostiles. Ce projet est sans cesse repoussé pour des raisons budgétaires. Est-on en mesure de le planifier ? Il me semble que, dans un environnement mondial hostile, c’est un projet nécessaire.

En ce qui concerne la très haute résolution de nouvelle génération, à savoir le post-Pléiades et le post-CSO, vous avez fait allusion aux relations entre nos deux grands industriels, Thales Alenia Space et Airbus Defence and Space (ADS), qui sont en train de s’orienter chacun vers deux technologies, deux modèles économiques différents, avec pourtant un projet commun lancé avec la coordination du CNES. C’est la DGA qui représente les intérêts régaliens de l’État dans cette affaire. Que faites-vous pour harmoniser tout cela, connaissant les risques que ferait courir une totale autonomie de l’industriel dans le domaine de la très haute résolution, sachant qu’il est question de capacités de résolution de 25 à 30 centimètres ?

Croyez-vous qu’il soit possible de faire converger ces deux industriels sur une notion de « coopétition », telle qu’elle existe par exemple dans la microélectronique, c’est-à-dire qu’ils coopèrent dans certains investissements publics amont en R & D et soient plus raisonnables sur les filières de sous-traitance ? Il me semble anormal que certains sous-traitants soient obligés, pour travailler avec l’un et l’autre ou l’un ou l’autre, de développer, souvent avec l’aide de financements publics, des lignes de produits différentes à la demande de ces industriels. Ne peut-on pas les amener à utiliser les fonds publics avec davantage de raison ?

M. Olivier Audibert Troin. S’agissant du programme Griffon, c’est en 2014 que Jean-Yves Le Drian a notifié la commande, et la première livraison devait intervenir en 2018. Début 2016, on nous annonçait que le 126e régiment d’infanterie serait le premier régiment doté, et ce à compter de 2021. Nous sommes plusieurs députés à nous être rendus dans la bande sahélo-saharienne et nous avons vu les énormes difficultés rencontrées par nos hommes à cause de la vétusté du matériel, notamment des VAB, dont le train arrière casse pratiquement à chaque sortie. Que fait-on, dès lors, jusqu’à 2021 ? Renault Trucks nous a expliqué que, s’il avait nommé Ultima son dernier modèle de VAB, c’est qu’il n’y avait plus aucune évolution possible.

M. Laurent Collet-Billon. Concernant les FTI, le MDCN n’est pas prévu dans le premier standard étudié. La question de l’Aster 30 est à l’examen ; le bateau dispose de systèmes de lancement verticaux qui permettent de l’accueillir.

La question est celle de la performance globale du système avec les radars tels qu’ils sont prévus. Ce qu’on a considéré, pour la FTI, c’est qu’il fallait désormais procéder par standard, comme pour le Rafale, plutôt que d’ajouter des éléments au fur et à mesure que le bateau se réalise car cela conduit à une désoptimisation globale du bâtiment. La mission première de la FTI, même si elle sera dotée de capacités anti-aériennes et antinavire, est la lutte anti-sous-marine.

La commande de BATSIMAR est prévue en 2022. Nous avons un certain nombre de navires un peu âgés qu’il va falloir retirer du service, et assez rapidement va donc se poser la question de la présence de la marine nationale sur l’intégralité des eaux françaises. De ce point de vue, le BATSIMAR est un excellent bateau pour l’outre-mer, par exemple. Si le nombre de commandes a été modéré au démarrage, c’est seulement pour des raisons budgétaires. En cas d’augmentation du budget, ce programme pourrait être accéléré sans problème.

En ce qui concerne les bouées acoustiques, nous avons regardé une opération d’acquisition potentielle par Thales d’un industriel américain qui en fabrique. L’affaire n’a pas connu de suites, pour des raisons qui ont surpris Thales mais qui étaient pour moi évidentes : il n’était pas question que cela passe dans des mains françaises. Nous allons faire ce qu’il faut pour remettre en place une capacité nationale de production de bouées acoustiques de bon niveau et dans des conditions acceptables.

Ces bouées font en effet partie du paysage de la détection sous-marine, qui est un point fort de notre marine aujourd’hui. Nos sonars, réalisés chez Thales, et nos professionnels, dans la marine, sont de premier rang mondial. Le niveau de performance est connu de nos alliés, comme l’illustrent nos capacités démontrées dans plusieurs exercices où nous avons trouvé des sous-marins américains. L’Australie a été sensible à la qualité de ce que nous leur avons présenté dans ce domaine, d’autres pays nous connaissent parfaitement, et nous faisons valoir ces performances auprès des Norvégiens et d’autres.

Je ne suis pas responsable du MCO des hélicoptères, et ce depuis une quinzaine d’années. Cela dit, NHI n’est pas réputé pour être un industriel particulièrement performant.

M. Gwendal Rouillard. Que faire ?

M. Laurent Collet-Billon. La réponse traditionnelle, quand l’industriel n’est pas à la hauteur, c’est d’essayer de former un des ateliers industriels de l’aéronautique (AIA) à l’entretien de l’appareil. Il se trouve que les performances des ateliers sont variables. Par exemple, l’AIA de Bordeaux est très performante et nous pensons que cet AIA aura une activité de soutien de moteurs d’avions exportés. Les AIA de Clermont-Ferrand et de Bretagne fonctionnent très bien également.

La question de fond, dans l’entretien du matériel, est toujours la même : au bout de combien de temps l’industriel se désintéresse-t-il d’un matériel qui n’est plus fabriqué ? En l’occurrence, pour le MCO des hélicoptères, l’industriel semble s’être déjà désintéressé du produit, comme le montre sa performance insuffisante, et il faut anticiper autre chose. Cette difficulté a été aggravée par la structure même de NHI. Il y a certainement beaucoup de progrès à faire dans le MCO des hélicoptères. Un groupe de travail tripartite a été créé, avec le général de Villiers, moi-même et l’industriel, pour essayer d’améliorer la situation d’une manière générale. J’ai livré 60 Tigre. Sur ce nombre, une dizaine est en chantier de transformation de standard, les autres sont disponibles.

J’ai indiqué, Monsieur Lellouche, qu’il pourrait y avoir 3,2 milliards de reports de charge à la fin de l’année si aucun crédit n’était dégagé. La mécanique est connue : la réserve va être libérée pour être reversée dans la réserve interministérielle, qui ressortira un milliard pour le surcoût OPEX. La question, pour nous, c’est de savoir à combien nous aurons droit. Nous ne souhaitons pas des reports de charge supérieurs à 1,8 ou deux milliards, compte tenu des perspectives actuelles de la loi de programmation, de manière à être certains de pouvoir respecter les 2,8 milliards indiqués comme la condition de bonne exécution de la LPM à la fin de 2019. Le gel est une décision de gestion de Bercy. L’enjeu à présent, pour nous, est d’obtenir la libération de ces crédits.

Personne n’a demandé que le Reaper soit armé ; ce débat n’a pas encore eu lieu. Techniquement, il peut l’être.

Comme vous, Madame Bruneau, je me félicite du respect absolu des 730 millions d’euros en moyenne. Nous suivons la situation de l’ONERA très attentivement. Le problème de l’enfoncement de la soufflerie dans le sol a été un peu long à régler, mais c’est parce que nous avons demandé des expertises complémentaires sur la profondeur des travaux nécessaires, ne souhaitant pas devoir y revenir à deux fois. Un COP a été établi sur la situation financière de l’ONERA. La subvention est de 105 millions d’euros en 2017, comme en 2016. Nous invitons l’ONERA à participer de plus en plus à des contrats avec la DGA, sur des études amont ou en collaboration avec des industriels. C’est là son avenir car la situation qu’a trouvée Bruno Sainjon à son arrivée, c’est celle d’un déficit de confiance total de l’industrie envers l’ONERA. Nous l’aiderons. La difficulté est bien le transfert des emprises de Châtillon et de Meudon. L’opération est financièrement très importante et c’est pourquoi il faut trouver des ressources adéquates. Nous tenons à l’ONERA, dont l’apport à la capacité nucléaire aéroportée est très important.

Monsieur Rousset, nous avons environ 4 000 PME dans notre portefeuille et nous en suivons quelque 400 de manière particulièrement étroite car nous estimons qu’elles disposent de savoir-faire pratiques et techniques indispensables à notre base industrielle et technologique de défense (BITD). La DGA dispose d’un département technique composants et matériaux qui surveille ce qu’il se passe dans ces domaines de manière précise. Les composants programmables viennent tous de Californie ou de Taïwan. Nous sommes en train de réfléchir à la façon de réimplanter une chaîne de ce niveau-là en France chez STMicroelectronics. Nous faisons du développement de composants via Thales par exemple, sur le radar aéroporté, et je vous invite à cet égard à visiter son site d’Élancourt. Ces composants sont validés en simulation sur les moyens de calcul intensif du CEA. Au moins dans le monde de la défense, nous n’avons pas du tout lâché la technologie de base, je vous assure. Nous continuons d’avoir des experts en termes de matériaux : par exemple DGA Techniques aéronautiques à Toulouse est très souvent sollicité en cas de crashs aériens pour expertiser les débris et déterminer l’origine des ruptures.

Mme Fioraso connaît toutes les réponses aux questions qu’elle a posées… Un industriel a décidé de réaliser le post-Pléiades sur fonds propres, avec le niveau de performance qu’elle a mentionné, et je pense même qu’il ira au-delà. Cela pose un certain nombre de questions. Quelle attitude tenir vis-à-vis de l’autre industriel ? L’équité d’accès au marché imposerait, fondamentalement, que nous ne fassions rien. Quelle est la garantie de la part d’Airbus que la technologie restera de manière pérenne en France ? Quels sont les composants utilisés ? Quels sont les miroirs utilisés ? Tout cela est suivi avec une grande attention.

Vous avez, Madame, également évoqué les autres composantes spatiales. CERES doit être lancé en 2020 ou 2021. Nous aurons accès à du renseignement d’origine électromagnétique fondamental pour nos forces armées et pour la dissuasion. En ce qui concerne les satellites, CSO nous cause quelques soucis, en termes de réalisation, mais ce sont des objets technologiques extraordinaires. Je vous invite à vous rendre à Cannes pour vous faire présenter le télescope.

Dans le cadre des 2 %, la réalisation d’une capacité d’alerte avancée ne poserait aucun problème. En matière de défense antibalistique, on ne prévoit rien pour le moment au-delà du missile Aster block 1 NT. Mais dans l’absolu, on aurait besoin de détection lointaine, c’est-à-dire de détection spatiale en orbite géostationnaire. Les démonstrateurs nous ont montré que nous avions toutes les technologies voulues et que nous les maîtrisons parfaitement. Il n’y a plus qu’à y aller. Nous sommes partants.

La première livraison de Griffon, Monsieur Audibert Troin, est pour 2018, avec trois exemplaires, et la première capacité opérationnelle est pour 2021. Entre-temps auront lieu les évaluations techniques par la DGA, l’évaluation de la section technique de l’armée de terre (STAT), la montée en puissance et la formation des équipages. Tout cela prend du temps mais, je le répète, ne doit pas être galvaudé. Nous avons failli avoir le problème sur le FELIN, où nous n’avions pas suffisamment pris en compte la transformation de la mentalité des soldats, et le système a failli être laissé dans les placards. Le marché actuel va jusqu’à 2025, avec des tranches optionnelles. Cette affaire est à mesurer avant tout à l’aune de la disponibilité actuelle des matériels de l’armée de terre ; il ne faut pas chercher d’autre critère, afin de ne pas faire d’erreur. Pour le Griffon, nous avons 780 véhicules prévus en étape 1 et mille en étape 2. Inverser les volumes entre ces deux étapes produirait une accélération de presque 30 % du rythme de livraison.

S’agissant des VAB en Afrique, il y a au moins un véhicule qui fonctionne parfaitement bien, dont nous avons des retours très positifs de la part des utilisateurs, c’est le VBCI.

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