mardi 19 mars 2024

Audition du Chef d’état-major des armées (Commission Défense de l’Assemblée nationale, 8 février 2017)

Mme la présidente Patricia Adam. Général, je suis heureuse de vous accueillir au nom de tous mes collègues. Alors que la législature touche à son terme, il nous a paru indispensable de vous entendre une nouvelle fois avant la suspension de nos travaux. Vous participez en quelque sorte à leur conclusion, avant le ministre qui viendra s’exprimer devant nous le 22 février.

Je veux ici vous remercier du dialogue constructif et sincère que vous avez su entretenir avec notre commission grâce au caractère très direct de vos propos et de vos analyses. Face à l’évolution très rapide des événements au cours des dernières années, tant sur le territoire national qu’en opérations extérieures, la sincérité de nos échanges a été particulièrement importante pour nos travaux et la poursuite d’objectifs que nous savons partagés.

Nous devons aussi être clairs sur un point dont vous allez certainement parler, comme vous l’avez déjà fait : la cible de 2 % du PIB consacrés à la défense n’est pas un totem autour duquel s’agiterait notre commission, contrairement à ce que certains laissent penser. C’est d’abord un engagement que nous avons pris dans le cadre de l’Alliance atlantique. Mais c’est aussi et surtout le niveau que doit atteindre notre effort si nous voulons éviter un décrochage de notre outil de défense, compte tenu du rythme très soutenu des opérations actuellement menées.

Je pense pouvoir l’affirmer au nom de la commission : l’actualisation de la loi de programmation militaire (LPM), complétée par les décisions prises lors du conseil de défense du 6 avril 2016, a permis de nous engager de manière réaliste dans un processus de remontée en puissance qui doit – j’y insiste – s’inscrire dans la durée.

Général, avant de vous laisser la parole, je souhaite vous remettre, au nom de mes collègues, cette médaille de l’Assemblée nationale. Vous la méritez, par votre participation à nos travaux et la manière dont vous avez accompagné notre démarche. Je tenais à vous rendre cet hommage. (Applaudissements.)

Général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées. Merci beaucoup. Vous allez me gêner, Madame la présidente, car je n’ai rien à vous offrir en retour !

Je vous remercie très sincèrement de m’accueillir une nouvelle fois au sein de votre commission, à quelques jours seulement du terme de la XIVe législature. Permettez-moi de vous dire moi aussi, à vous, Madame la présidente, et à l’ensemble de votre commission, toute ma reconnaissance pour le sérieux et pour l’esprit d’écoute et de dialogue qui ont caractérisé nos travaux communs au long des cinq dernières années, et singulièrement, pour ce qui me concerne, depuis ma prise de fonctions il y a tout juste trois ans. C’est toujours un plaisir de venir ici, et je prépare toujours mon audition avec attention, car je sais que j’ai face à moi des spécialistes intéressés par les questions que j’aborde.

La loi de programmation militaire actualisée, tout comme, dernièrement, l’exécution quasi intégrale du budget pour 2016, porte la marque évidente de votre engagement comme parlementaires. Pour la première fois depuis trente-cinq ans, la baisse de la part du budget allouée à la défense a été enrayée. Cette stabilisation a permis le financement de mesures fortes décidées par le président de la République, sous l’impulsion du ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian.

J’ai la conviction que tous, ici, nous partageons l’idée qu’il s’agissait là d’une première étape, absolument essentielle même si, comme je vais essayer de vous le démontrer, tout cela ne doit pas rester sans lendemain. Je formule en effet le vœu que la prochaine législature s’inscrive dans la même dynamique, en amplifiant ce qui a été amorcé, afin de nous permettre de relever le défi du maintien à long terme de la cohérence entre la nature des menaces auxquelles nous faisons face, les missions qui nous sont confiées et les moyens qui nous sont octroyés au service de la protection de la France et des Français. Cette cohérence, vous le savez, garantit la résilience, la souplesse et la robustesse de notre modèle d’armée. Ce combat pour la cohérence, nous l’avons conduit avec beaucoup de détermination au cours des dernières années.

Je voudrais aborder cette question centrale de la cohérence en articulant mon propos en trois parties. Je reviendrai d’abord sur le contexte sécuritaire actuel, tel que je l’analyse, en m’attardant sur le cadre de notre action ; je vous livrerai en second lieu ma conception des conséquences de l’évolution du contexte sécuritaire sur notre modèle d’armée ; je tracerai enfin devant vous les grandes lignes qui doivent caractériser l’effort de défense à venir.

En ce qui concerne tout d’abord le contexte sécuritaire, l’actualité s’en fait jour après jour l’écho : la sécurité internationale se dégrade ; cette dégradation s’est même accélérée au cours des derniers mois, et l’état du monde est totalement différent de ce qu’il était il y a deux ans encore.

En réalité, vous le savez, nous faisons face à deux grands types de conflictualité. D’une part, nous sommes confrontés à l’émergence et à l’expansion du terrorisme islamiste radical, idéologie servie par une stratégie totale qui lui permet de porter l’hyperviolence dans tous les champs – matériel et immatériel, religieux, social, culturel, économique et bien sûr militaire, que ce soit dans les « zones grises » ou au cœur de notre théâtre national. L’agression terroriste survenue vendredi dernier au Louvre atteste une fois de plus de la permanence de cette menace.

D’autre part, nous assistons – on en parle moins – au retour des États-puissances, traditionnels ou émergents, dont certains visent à étendre leur influence par la mise en œuvre d’une stratégie qui repose sur le rapport de forces et sur le fait accompli. De manière plus générale, l’affirmation militaire redevient une tendance lourde, commune à plusieurs États dans le monde.

Ces deux grands types de conflictualité sont certes distincts, mais non disjoints. Il existe entre eux non seulement des lieux – je pense au Levant et à la Méditerranée –, mais également des liens et des ressorts communs qui ne doivent pas être ignorés et que je souhaite souligner au travers de deux observations d’ordre général.

La première porte sur ce que j’appelle les « quatre D », quatre tendances structurantes de nos engagements militaires actuels : le durcissement, la dispersion, la digitalisation et la durée.

Le durcissement : les forces armées sont désormais confrontées, sur le terrain de leurs opérations respectives, à l’usage très fréquent, presque systématique, de la violence et même de l’hyperviolence : une violence qui s’affranchit de toutes les règles et sort des cadres multilatéraux établis. Tous les matins, en arrivant au bureau, je lis le point de situation des vingt-quatre dernières heures : chaque fois, je ne relève pas moins de quatre à cinq attentats de par le monde, causant des dizaines de morts sur tous les continents ; je relève également, ces derniers mois, une hausse des provocations de la part de certains États-puissances qui n’hésitent pas à tutoyer la ligne rouge. Le durcissement est réel. Or seule la force peut faire reculer la violence.

La dispersion : les opérations extérieures sont aujourd’hui menées dans des zones géographiquement éloignées de la métropole et distantes les unes des autres. La dispersion des zones d’intervention, les élongations inter et intrathéâtres rendent primordiales les capacités de projection, de commandement et de renseignement. C’est entre autres pour cette raison que les coopérations entre pays, en particulier dans une même zone géographique, sont si importantes. Je rappelle que la bande sahélo-saharienne, où est déployée l’opération Barkhane, s’étire sur une zone de 4 000 kilomètres de large et de 1 000 kilomètres de profondeur.

La digitalisation : la technologie digitale est au cœur de nos sociétés, de nos systèmes, de nos outils militaires. Elle est également considérée par nos adversaires comme un facteur de supériorité opérationnelle et stratégique, y compris et peut-être surtout pour gagner la guerre des perceptions. Elle permet ainsi à Daech d’être au même moment ici et là-bas, en instantané. Depuis 2008, la France s’est lancée dans la guerre numérique. Nous avons pris le bon train, en tête de colonne ; nous sommes sur la bonne voie et nous bénéficions d’une vraie dynamique, comme en attestent l’inauguration du pôle d’excellence cyber, le mois dernier, en Bretagne, et la création en cours du commandement cyber, sous l’autorité du CEMA.

Quatrième tendance, la durée. La phase militaire de la majorité des engagements extérieurs s’étire désormais souvent – vous l’avez vécu – sur une quinzaine d’années au moins. Ces engagements qui durent engendrent une usure accélérée des personnels, mais aussi des matériels. En réalité, nous devons conjuguer la durée des engagements avec le rétrécissement du temps et l’avènement de l’immédiateté. Plus de durée, moins de délais : c’est mon quotidien.

Ces quatre tendances que l’on retrouve dans nos engagements actuels sont la traduction sécuritaire d’une évolution plus profonde : celle d’un monde déstabilisé et en proie au doute.

J’en arrive ainsi naturellement à ma deuxième observation : l’ambiguïté s’ajoute aujourd’hui à l’incertitude.

L’incertitude consiste à reconnaître une place au doute. Mais, avec l’ambiguïté à grande échelle, nous basculons dans autre chose. Les lignes de partage sont de plus en plus floues. Les exemples ne manquent pas : je pense aux bornes qui délimitaient, jadis, non seulement les frontières des États mais aussi la rationalité politique et l’irrationalité de l’émotion ; le temps politique et le temps médiatique ; l’état de guerre et l’état de paix ; la guerre régulière et la guerre irrégulière ; la sécurité intérieure et la sécurité extérieure. L’ambiguïté engendre la confusion. Elle complique considérablement la tâche du décideur, que celui-ci soit chef militaire ou responsable politique.

Face à cette complexité, nous avons besoin de résister à la tentation de la paralysie ou à celle de la reproduction de schémas connus. L’histoire est riche d’enseignements en la matière. Nous devons faire l’effort de la clarté ; nous devons aussi éviter la désunion. La division conduit à la défaite ; le rassemblement de toutes les forces vives est, à l’inverse, le plus sûr chemin vers la victoire. C’est d’ailleurs ce que nos armées expérimentent jour après jour, en mission et en opérations, en cultivant un esprit interarmées – j’y tiens – et une capacité à travailler dans un environnement complexe, interministériel et multinational.

Sur le chapitre des opérations – la véritable raison d’être des armées –, je souhaite vous dire quelques mots.

Depuis deux ans, nos armées ont été sollicitées sur tous les fronts et à un niveau inédit. À l’heure où je vous parle, plus de 30 000 soldats sont en posture opérationnelle, à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières, de jour comme de nuit, et ce depuis maintenant plus de deux ans.

L’engagement de nos armées passe d’abord par la dissuasion nucléaire, qui sanctuarise nos intérêts vitaux. Il passe également par les deux postures permanentes : la posture permanente de sûreté aérienne, qui garantit le respect de la souveraineté de la France dans son espace aérien, et la posture permanente de sauvegarde maritime, qui concourt directement à la protection des approches du territoire, dans un milieu où l’activité des États puissances est croissante et où la pression des flux liés aux migrations, aux trafics et au terrorisme se fait plus pressante, en Méditerranée notamment.

Enfin, l’engagement de nos armées se concrétise, de manière plus visible, par les opérations, extérieures et intérieures. Je me limiterai à quelques considérations pour chacune de nos zones d’engagement.

Je commencerai évidemment par le théâtre national. À ce sujet, il faut insister sur le fait qu’il s’agit d’une stratégie globale de protection contre des menaces dont la réalité se fait sentir chaque jour davantage. Cette approche globale est nécessaire. Aux postures permanentes que je viens d’évoquer, il faut ajouter tous les efforts que nous déployons dans l’espace, le cyber, que j’ai évoqué, ou encore par le biais de la posture de protection terrestre.

L’opération Sentinelle est également emblématique de la participation active et pérenne des armées françaises à la protection de la France et des Français. Face à une menace évolutive, notre réponse s’est adaptée. Ainsi, à la fin de la période estivale, nous avons connu trois évolutions essentielles, certes dans la discrétion : nous avons ramené les effectifs de 10 000 à 7 000 hommes, reconstituant ainsi un élément de réserve indispensable à la crédibilité de notre dispositif ; nous avons rééquilibré celui-ci en le déployant pour moitié à Paris et pour moitié en province, apportant ainsi plus de confiance à plus de Français ; surtout, nous avons abandonné la fameuse posture statique héritée de Vigipirate, qui nous rendait vulnérables. Désormais, la quasi-totalité de nos forces patrouille en dynamique, ce qui rend la mission plus attractive et, évidemment, beaucoup plus efficace.

Il nous reste encore du chemin à parcourir s’agissant du partage de l’information avec les forces de sécurité intérieure (FSI), notamment. Mais nous avançons dans la bonne direction. Tous, nous parlons désormais en termes de mission et non plus d’effectifs. Sentinelle est bien une opération militaire, conduite selon la logique qui consiste à obtenir des effets par la mise en œuvre de moyens et de savoir-faire spécifiques. Nous ne nous substituons pas aux FSI : nous sommes pour elles un apport complémentaire.

Évidemment, dans cette action sur le terrain, les réservistes doivent prendre toute leur part. C’est bien dans cette dynamique que nous sommes ; une dynamique à laquelle la création de la Garde nationale est venue donner une nouvelle impulsion. Je sais que nous accordons le même intérêt à cette réforme des réserves militaires et combien elle vous tient à cœur comme à moi – nous en avons parlé plusieurs fois lors des auditions précédentes.

S’agissant ensuite des opérations majeures que nous conduisons au plus loin, je voudrais vous dire un mot de l’opération Sangaris. Elle a été décidée, lancée, conduite et achevée en moins de trois ans. C’est suffisamment exceptionnel pour être souligné, et c’est pour moi un vrai motif de satisfaction ; j’en suis d’autant plus fier que le relais a été transmis dans de bonnes conditions à EUFOR (European Union Force) RCA et à la MINUSCA (Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations unies en République centrafricaine), dans lesquelles la France a évidemment toute sa place et continuera à assumer ses responsabilités, le cas échéant.

S’agissant maintenant de l’opération Barkhane, dans la bande sahélo-saharienne, nous sommes à un moment charnière. Nous avons achevé fin décembre une phase d’effort militaire dans le nord Mali. Au bilan, en 2016, 150 terroristes ont été neutralisés et plus de 120 opérations ont été conduites avec les pays partenaires dans la bande sahélo-saharienne. Nous entrons en ce moment dans une nouvelle phase, qui consiste à capitaliser sur les succès militaires enregistrés. Car il faut bien comprendre que ces derniers – j’en suis le premier conscient – n’auront d’effets durables que s’il existe une volonté politique forte, de la part des acteurs locaux, de les exploiter pour mettre en œuvre au Mali les accords de paix et de réconciliation signés à Alger en mai 2015. C’est pourquoi, nous appliquons une stratégie de containment au nord du Mali, tout en travaillant à la stabilisation du centre sur la base d’une coopération renforcée avec l’armée malienne et les armées de la région.

La conservation de l’initiative passe désormais par un soutien à la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) et par une aide, dans les domaines de la formation et du renseignement, à l’ensemble des pays voisins, au moment où les groupes terroristes tentent de saboter, par tous les moyens, le processus de paix et de réconciliation, comme à Gao il y a trois semaines.

Quelques mots aussi, évidemment, sur le Levant. Le combat contre Daech et Al-Qaïda continue dans le cadre de la coalition, en Irak et en Syrie. Le groupe aéronaval y a contribué, vous le savez, de manière déterminante, jusqu’au mois de décembre, en complément du formidable travail que réalisent nos avions de l’armée de l’air depuis maintenant plus de deux ans. Au sol, un groupement tactique d’artillerie complète notre dispositif en fournissant un appui feu à l’opération de reconquête de Mossoul par les forces irakiennes. Aujourd’hui, 50 % de la ville sont libérés de l’emprise de Daech. Mais comprenez bien que l’opération est délicate et nécessite du temps en raison des précautions que nous prenons vis-à-vis des populations civiles. J’ajoute que nous participons activement, nous Français, à la formation des troupes irakiennes, à Bagdad et à Erbil ; il s’agit là d’une condition essentielle du succès de notre opération, mais également de la gouvernance future.

La question de l’après-Daech demeure entière ; elle nécessite une vision stratégique commune sur les perspectives en matière de gouvernance et de développement. Je l’ai souvent dit ici même : gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix.

Sur un plan plus général, il faut souligner que le dispositif français de forces prépositionnées, dont on parle peu, mais qui a été largement réorganisé au cours des dernières années, répond exactement à l’impératif de compréhension et de modélisation de l’environnement. Je suis fier de cette réorganisation, grâce à laquelle nous avons gagné en effectifs – par centaines – et en efficacité. Le dispositif contribue directement à la solidité du continuum entre défense extérieure et sécurité intérieure, plus que jamais indispensable quand on considère l’état actuel du monde.

De nombreuses zones sont aujourd’hui déstabilisées par la pression démographique, le phénomène migratoire et l’expansion du terrorisme transnational. Il existe, par ailleurs, une multitude d’inconnues : les conséquences de l’arrivée de la nouvelle administration américaine ; l’adaptation de l’Europe post-Brexit ; la place de l’OTAN ; le devenir de la relation avec la Russie ; le positionnement et le rôle de la Turquie ; la nature des relations avec le monde musulman, sunnite comme chiite.

Je m’arrête là, sans prétendre à l’exhaustivité : vous connaissez tout cela. Je ne sais pas si le monde est plus dangereux qu’auparavant ; il est, en tout cas, plus instable et plus incertain : je le mesure tous les jours. Cette réalité, évidente, plaide pour que la France continue à compter en priorité sur ses propres forces afin d’assurer sa sécurité et sa protection pour le long terme.

Ce qui m’amène naturellement à ma deuxième partie : les conséquences de cette nouvelle donne sur notre modèle complet d’armée.

La France est aujourd’hui confrontée à un double défi : il lui faut, d’une part, dénier à l’adversaire – terroriste ou État-puissance, tel que je l’ai décrit – toute possibilité d’agir contre ses intérêts, et, d’autre part, se maintenir dans le cercle des puissances crédibles, capables d’interagir, de peser et de rayonner. Je représente aujourd’hui comme CEMA le deuxième pays de l’OTAN et le premier pays d’Europe en termes de capacités opérationnelles. Croyez-moi, le regard que nos alliés portent sur nous en dit plus long que mes paroles ! Nous avons de belles armées, respectées par nos alliés et craintes par nos adversaires, et je tiens à ce que cela continue.

Ce double défi recouvre en réalité l’enjeu essentiel de la préservation de notre souveraineté, qui repose sur trois socles : l’indépendance nationale, l’autonomie stratégique et la coopération militaire, entendue au sens large. Ces trois piliers, qui sont complémentaires, permettent à la France de conserver son influence.

Premier pilier, l’indépendance nationale.

Vous le savez, la dissuasion est l’ultime garantie de la souveraineté nationale. Elle écarte toute menace de chantage susceptible de paralyser la liberté de décision et d’action de la France. J’insiste sur le fait que la dissuasion est globale ; elle est articulée autour des deux composantes nucléaires, aéroportée et océanique, et d’une multiplicité de capacités conventionnelles.

Face aux compétiteurs stratégiques de la France, détenteurs de l’arme nucléaire, la dissuasion nucléaire reste plus que jamais l’assurance vie de la Nation. Et il n’y a en la matière – je peux vous l’assurer – aucune marge de manœuvre susceptible d’apporter des économies financières substantielles : nous les avons déjà faites dans la LPM en cours.

Pour autant, les attaques terroristes massives et les stratégies hybrides utilisées contre la France pourraient faire apparaître une marge perçue par nos adversaires comme ne relevant pas de la dissuasion nucléaire. Les fonctions stratégiques de protection et d’intervention constituent donc le complément indispensable permettant d’éviter le piège du tout ou rien et la montée aux extrêmes faute d’alternative.

Deuxième pilier, l’autonomie stratégique, qui permet à la France de décider, souverainement et rapidement, de la réponse à apporter à une menace spécifique. Nous l’avons par exemple prouvée dans le cadre de l’opération Serval.

Cette autonomie n’est effective que si elle s’appuie sur un modèle d’armée complet, capable de déployer son action à 360 degrés et organisé pour cela autour de l’équilibre entre les cinq fonctions stratégiques : la dissuasion, l’intervention, la prévention, la protection, enfin la connaissance et l’anticipation.

Ces fonctions recouvrent les différentes aptitudes de nos armées, qui sont autant de capacités et d’options offertes au décideur politique pour peser sur son environnement. Ces capacités doivent être adaptées en permanence à l’évolution du contexte. J’y reviendrai plus en détail par la suite.

Troisième et dernier pilier, la coopération militaire.

J’insiste sur ce point : nos armées ont besoin de s’appuyer sur une coopération militaire effective pour garantir l’autonomie stratégique du pays. C’est cette même idée que vous avez exprimée en d’autres termes, Madame la présidente, lorsque vous avez dit le 19 janvier dernier, en ouverture du colloque de l’armée de terre, que « notre pays, sans renier ses alliances, mais au contraire pour les honorer, veut maintenir […] sa liberté d’appréciation de situation, de décision et d’action ».

Le modèle d’armée que nous défendons, avec les chefs d’état-major, ne peut en effet exister sans coopération militaire. Tout l’enjeu est de parvenir au juste équilibre entre ce qui est du ressort strict de notre souveraineté et ce qui peut être partagé.

À côté des garanties apportées par l’OTAN en matière de protection du territoire et des populations européens, ou par l’Union européenne dans le domaine de la prise en charge du fardeau des nations les plus engagées ou encore dans celui, déterminant, de l’aide au développement, j’ai la conviction que la coopération internationale, fondée sur la confiance, apporte une contribution complémentaire essentielle à la protection de la France et des Français. C’est mon quotidien et j’y consacre beaucoup de mon temps, car j’y crois.

Cette coopération passe par des coalitions ad hoc, comme au Levant ; elle passe aussi par des liens interétatiques entre nations souveraines, qui leur permettent d’être plus fortes ensemble. C’est dans cet état d’esprit que je m’efforce de multiplier les contacts avec, entre autres, mes homologues britannique et allemand – à nous trois, nous représentons 60 % du budget des 28 pays membres. L’enjeu est bien la défense de l’Europe et des Européens. Il ne faut pas opposer le communautaire et l’intergouvernemental : les deux s’additionnent et ne s’opposent en aucune manière à l’exercice d’une souveraineté pleine et entière.

Vous l’avez compris, les trois dimensions de la préservation de notre souveraineté que sont l’indépendance nationale, l’autonomie stratégique et la coopération militaire ne peuvent s’envisager qu’au travers d’un modèle d’armée complet, équilibré et adapté à la nouvelle donne sécuritaire.

Ce modèle existe : c’est le modèle actuel. Je le défends : il a prouvé et prouve encore, au quotidien, toute sa pertinence. Il faut cependant se rappeler qu’il a été dimensionné pour faire face à une situation sécuritaire différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. C’est un point clé. L’accélération du tempo des engagements et la multiplication des crises le mettent aujourd’hui sous extrême tension et l’usent. Rien ne permet de penser que la tendance puisse s’inverser prochainement ; ma première partie vous l’a montré. Ainsi que le président de la République l’a dernièrement rappelé, nous avons « le devoir de nous préparer à une guerre longue ».

Ce diagnostic m’amène à ma troisième partie, consacrée à l’effort de guerre tel que je le vois, guidé par cette conviction qu’on ne choisit pas son époque, mais qu’on l’épouse. Je serai encore plus précis que d’habitude, car il me semble que l’actualité l’exige.

Le constat dressé sur la situation sécuritaire, sur l’environnement stratégique militaire, sur le dépassement des contrats opérationnels et sur certaines faiblesses capacitaires est aujourd’hui communément admis. En réponse, un effort s’impose, dont il faut préciser d’ailleurs qu’il ne se limite pas au seul aspect budgétaire.

Pour aborder cette question en évitant le double piège du catastrophisme et de l’angélisme, je vous propose de répondre aux trois interrogations suivantes :

Pourquoi l’effort de défense ? C’est ce que j’appelle l’exposé des motifs.

Comment ? C’est la méthode.

Que se passerait-il si ? Ce qu’on peut appeler le coût du renoncement ; car, ne nous y trompons pas, tout renoncement aura un coût.

Quel est notre objectif ? Avant toute autre considération, je veux redire – tout en sachant que vous en êtes convaincus – que ce sont bien les opérations qui sont la raison d’être de nos armées. Elles fondent notre légitimité et assurent notre crédibilité.

Après 2016, où l’engagement et l’efficacité de nos armées ont été unanimement salués, nous abordons 2017 avec la même volonté ferme d’être au rendez-vous de nos multiples missions. Mais nous devons aussi, en parallèle, continuer à préparer l’avenir, les succès de demain, avec le souci permanent de donner à ceux qui nous défendent et nous protègent les moyens nécessaires pour assurer leur mission. Toute autre option serait indécente, au sens premier du terme – je pèse mes mots –, à l’égard de ceux qui ont accepté l’éventualité de mourir pour la protection de nos concitoyens.

Au-delà de cette obligation morale, il nous faut, je l’ai dit, préserver l’indispensable cohérence entre les menaces, les missions et les moyens, sous peine de nous retrouver avec des armées qui ne soient plus à même de remplir les missions qui leur sont confiées. Cela a toujours été, avec Jean-Yves Le Drian, notre souci principal. Cette détermination s’est traduite par la stabilisation du budget de la défense à 1,78 % du PIB. Il faut poursuivre cette dynamique, qui doit nous amener à 2 % du PIB. Mais il faut le faire plus rapidement que prévu, avant la fin du prochain quinquennat.

J’identifie trois impératifs et trois points de vigilance pour justifier cette accélération du tempo.

Le premier impératif, c’est de « boucher les trous », c’est-à-dire de récupérer des capacités auxquelles il avait fallu renoncer temporairement, pour des raisons budgétaires, à un moment où le contexte sécuritaire et le niveau d’engagement étaient différents et où les capacités n’étaient pas à ce point menacées par le phénomène d’usure. Je pourrais vous tenir un discours beaucoup plus facile, mais j’ai choisi de vous dire les choses telles qu’elles sont.

« Boucher les trous », c’est aussi redonner à nos soldats les conditions de soutien et de vie en cohérence avec les efforts demandés, que ce soit au plan logistique, de l’infrastructure ou des équipements individuels – et ce dès 2018. Vous avez écrit ces dernières années de nombreux rapports qui y appelaient ; je saurai les utiliser.

Les axes d’effort sont nombreux. Je voudrais les illustrer par quelques exemples, pris dans trois grands domaines.

Je commence par les équipements. Les besoins sont multiples et vont croissant. Je pense aux drones, aux avions ISR (intelligence, surveillance, reconnaissance), aux ravitailleurs – avions et bâtiments –, à la flotte de transport ou aux hélicoptères. Pour l’ensemble de ces capacités, nous sommes au bord de la rupture. Parfois, en tant que chef des opérations, je renonce à certaines cibles par incapacité, c’est-à-dire par insuffisance de capacités.

Actuellement, plus de 60 % des véhicules de l’armée de terre engagés en opérations ne sont pas protégés. On ne peut pas continuer comme cela. De même, la disponibilité de nos avions ravitailleurs conditionne notre aptitude à tenir la posture de dissuasion nucléaire, comme à projeter nos forces et à soutenir nos opérations aériennes ; or, ils ont en moyenne plus de cinquante ans d’âge. La marine, quant à elle, voit le nombre de ses patrouilleurs outre-mer s’effondrer : d’ici 2020, hors Guyane, six sur huit auront été désarmés, et ne seront remplacés que plusieurs années plus tard. Et, au-delà de 2020, d’autres réductions temporaires de capacités apparaîtront, comme les hélicoptères légers embarqués, dont le remplacement est prévu en 2028 seulement, les missiles air-air ou les camions lourds.

L’effort en matière d’équipements passe évidemment aussi par le nécessaire accroissement des crédits d’études et de développement : au moins 300 millions d’euros de plus par an. Sans cela, nous ne serons pas compétitifs, et nous ne serons pas au rendez-vous des évolutions technologiques.

Le deuxième domaine où l’effort est indispensable, ce sont les ressources humaines. Entre 2008 et 2014, ce sont 50 000 postes qui ont été supprimés, notamment au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). L’actualisation de la loi de programmation militaire n’a pas suffi à restaurer la résilience de certains domaines, qui restent sous le seuil critique. Quelques exemples concrets : 20 % des pilotes de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT) ne sont pas aptes « mission de guerre », faute d’heures de vol ; 40 % des sites de l’armée de l’air sont dépourvus d’escadron de protection. La population des fusiliers marins est sous extrême tension. Au total, j’estime que les armées, directions et services ont besoin d’environ 2 500 hommes supplémentaires par an d’ici à la fin du prochain quinquennat, dont une part importante pour renforcer le domaine du soutien qui se trouve, désormais, en butée.

Le troisième domaine : l’infrastructure. Le déficit récurrent en ressources budgétaires a entraîné une dégradation globale du parc immobilier, une protection insuffisante des installations et le report de nombreuses mises aux normes autres qu’opérationnelles. Je vais vous donner un exemple qui touche directement la vie quotidienne des militaires. Si aucun chantier n’était entrepris, 79 centres de restauration sur 350 devraient fermer pour cause de non-conformité dans les trois ans qui viennent… En tenant compte des limitations en termes de capacités d’engagement du service d’infrastructure de la défense, le besoin budgétaire supplémentaire sur le poste infrastructure peut être estimé à 120 millions d’euros en 2018, 300 millions en 2019, et 500 millions en 2020.

Deuxième impératif, après avoir bouché les trous : aligner les contrats opérationnels tout simplement sur la réalité des moyens que nous engageons en opérations, aujourd’hui, considérant, je vous l’ai dit, que le niveau de menace ne diminuera pas dans les années qui viennent.

La réalité est que nos engagements actuels dépassent d’environ 25 % à 30 % les contrats détaillés dans le Livre blanc. Aujourd’hui, nous avons plus d’une vingtaine d’avions de chasse répartis sur différents théâtres ; le contrat en prévoyait une douzaine en permanence. Nous avons quatre à cinq déploiements maritimes en simultané ; le Livre blanc en prévoyait deux maximum. Nous avons 7 000 hommes déployés, en permanence, sur le territoire national au titre de Sentinelle, alors que seul un prélèvement ponctuel sur les forces d’intervention avait été envisagé.

C’est la raison pour laquelle, à titre d’exemple et sans souci d’exhaustivité là encore, il convient d’accélérer la modernisation de nos équipements de combat dans le cadre du programme Scorpion, pour la force opérationnelle terrestre ; il est également nécessaire d’accélérer l’arrivée des patrouilleurs BATSIMAR (Bâtiments de surveillance et d’intervention unique) et des ravitailleurs Flotlog (Flotte logistique), pour la marine. Pour que nos pilotes volent suffisamment, il est indispensable de renforcer la composante « aviation de chasse » de l’armée de l’air.

Le rehaussement des contrats opérationnels induit aussi mécaniquement une remise à niveau de la préparation opérationnelle, très fortement touchée. Les centres d’entraînement de l’armée de terre, le CENTAC (Centre d’entraînement au combat) et le CEPC (Centre d’entraînement des postes de commandement), qui faisaient le plein avant 2015, ont désormais un taux d’occupation de 50 %. Pour la marine, le nombre de jours de préparation opérationnelle des bâtiments de surface a chuté de 25 %. Enfin, moins de 60 % des équipages de transport tactique de l’armée de l’air sont qualifiés à l’atterrissage sur terrain sommaire – mode d’action pourtant essentiel en premier mandat. Il y a désormais urgence à rétablir la cohérence entre engagement et préparation opérationnelle.

J’ajoute enfin que l’alignement des contrats opérationnels sur la réalité de ce que nous faisons devrait permettre une plus grande sincérité du budget. Celle-ci passe par une hausse du budget des OPEX, au moins à hauteur d’un milliard d’euros en 2017 – à comparer avec les 450 millions actuels. Je regrette que nous soyons aujourd’hui structurellement financés par les autres ministères. Il faut également prévoir une hausse des subventions OTAN – nous allons passer de 120 millions d’euros en 2016 à 230 millions en 2020 et la consolidation de la montée en puissance du domaine cyber.

Après avoir « bouché les trous » et aligné les contrats opérationnels, troisième impératif : préserver l’indispensable crédibilité de la dissuasion nucléaire par le renouvellement de ses deux composantes, océanique et aéroportée. Pour être soutenable, l’effort doit être lissé sur les quinze prochaines années ; il en va du maintien de notre indépendance nationale, au moment du retour des États puissances.

À ces trois impératifs, j’ajoute trois points de vigilance qu’il nous faut absolument prendre en considération.

Le premier, ce sont le moral et les familles. Vous le savez, l’humanité constitue la colonne vertébrale de notre institution militaire. Nous sommes souvent admirés, et je réponds toujours que ce sont les hommes et les femmes qui font la valeur première de l’armée française. Or, sur ce plan, certains signaux faibles doivent être pris en compte, par exemple les contraintes liées au rythme et à l’absence. Ainsi, en 2015, plus de 43 000 militaires ont été absents plus de 150 jours de leur garnison pour raison opérationnelle ; 11 000 ont dépassé les 200 jours d’absence et 1 300 ont été hors de leur garnison plus de 250 jours dans l’année. Dans le même ordre d’idée, plus de 50 % des militaires estiment éprouver des difficultés sérieuses à concilier vie professionnelle et vie familiale. C’est un phénomène nouveau. Les familles sont bien une préoccupation permanente pour le CEMA que je suis. L’avant ne tient que si l’arrière est solide : c’est un vieux principe, d’autant plus vrai que le logiciel de solde Louvois ne sera progressivement remplacé qu’à partir de la mi-2018, d’abord pour la marine.

Deuxième point de vigilance, la fidélisation. Nous n’avons pas de problèmes de recrutement. Mais la fragilisation du moral et la concurrence sévère du secteur privé pour certaines spécialités pointues – par exemple les mécaniciens aéronautiques ou les experts des systèmes d’information – se traduisent par un niveau élevé de départs anticipés. Seules des mesures spécifiques de fidélisation permettront d’inverser cette tendance, qui porte en elle le risque d’une fragilisation des capacités opérationnelles et d’une perte de confiance dans la chaîne de commandement.

Vous le comprenez, le prochain quinquennat nécessitera – et cela sera inclus dans les 2 % – un plan d’accompagnement de la condition militaire cohérent et à la hauteur des attentes.

Le troisième point de vigilance, c’est la sécurité et la protection. Compte tenu de l’élévation du niveau de la menace qui pèse sur nos emprises militaires, qui sont nombreuses, il faut veiller à garantir la résilience de nos armées en protégeant nos infrastructures. Ceci concerne la sécurité de nos pistes aéronautiques, la résilience des data centers et des alimentations électriques, la sécurisation de nos stocks de munitions en France et à l’étranger, ou encore la disponibilité des quais et des bassins portuaires. En réalité, toutes les emprises susceptibles d’être considérées comme des cibles de choix par les terroristes sont concernées.

Vous le voyez, les urgences sont nombreuses ; elles se télescopent avec les priorités. Elles n’en sont pas moins réelles. Elles justifient l’effort de guerre que j’appelle de mes vœux.

Pour réussir, et c’est là mon deuxième message, il nous faut une méthode.

Les évolutions stratégiques des années 2015-2016 et l’usure du modèle imposent que nous procédions à une adaptation rapide de nos contrats opérationnels et de notre modèle d’armée, sur la base d’une analyse actualisée du contexte sécuritaire. La conduite dès le printemps prochain d’une revue stratégique répondrait à ce double impératif d’actualisation et d’urgence. À dire vrai, nous n’avons pas le temps de repartir d’une page blanche et de rédiger un nouveau Livre blanc. C’est la raison pour laquelle l’état-major des armées a commencé le travail. Ces réflexions permettront l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle loi de programmation militaire – qui serait votée, idéalement, d’ici à la fin de l’année 2017, en cohérence avec le triennal budgétaire. Dans l’histoire des LPM, nous avons tout connu : le vote l’année suivant le début d’un quinquennat, l’année suivante, l’année d’après encore… L’idéal, c’est 2017+1, c’est-à-dire une nouvelle LPM de 2018 à 2023, ce qui permettrait une coïncidence avec le quinquennat. Il s’agit de bâtir d’emblée sur des bases saines une trajectoire cohérente de remontée en puissance. Pas de pause, au risque de perdre des aptitudes que nous ne serons pas en mesure de maintenir ! De surcroît, à partir de 2020, l’effort financier sera porté sur le nucléaire. Il faudra un quasi-doublement du flux, entre 2020 et 2025 ; le risque d’un phénomène d’éviction majeur – affectant les forces conventionnelles ou la dissuasion elle-même – serait alors réel. Le calendrier nucléaire ne nous offre que très peu de souplesse.

Il faut appeler un chat un chat : pour atteindre l’objectif de 2 % du PIB en 2022, l’effort à consentir est globalement de deux milliards par an, soit 35,5 milliards d’euros constants en 2018, 37,5 milliards en 2019 et 39,5 milliards en 2020. La première marche de 2018 est évidemment essentielle, en dépit d’une équation budgétaire de l’État particulièrement difficile. Les souverainetés économiques et de défense ne s’opposent pas. Elles sont le cœur du socle régalien ; elles sont étroitement liées, pour ne pas dire interdépendantes.

J’en arrive, naturellement, à ma troisième et dernière interrogation : quels seraient les conséquences et le coût du renoncement ? On me pose souvent cette question

Comme chef d’état-major des armées, je ne vois pas d’alternative : ce serait le désengagement opérationnel, rendu inéluctable par le manque de moyens. Mais s’y résoudre, ce ne serait pas seulement décider de quitter un théâtre d’opération. Se désengager, ce serait choisir, en réalité, quelle posture permanente alléger ; ce serait décider quel théâtre quitter, alors que les opérations qui y sont conduites contribuent à notre sécurité ; ce serait accepter de peser de façon moins déterminante sur la protection des Français ; ce serait laisser à d’autres le soin d’influer sur les grands équilibres internationaux, en assumant de surcroît les risques liés au désengagement décidé. En un mot, ce serait revoir nos ambitions à la baisse et accepter que nos priorités stratégiques ne soient bientôt plus que des prétentions stratégiques.

J’ajoute, pour ceux qui croient que nous pourrions encore réaliser des économies, que nous sommes en pleine réforme, que nous l’avons été sans discontinuer depuis 2008. Je conduis cette réforme depuis 2010, date de mon arrivée comme major général des armées, et nous allons continuer jusqu’en 2020, voire au-delà. Ces réformes, menées dans le plus grand silence, concernent la totalité des composantes de nos armées, directions et services – états-majors, ce qui n’est pas le plus facile, formation, soutien – avec des efforts tous azimuts en termes de gouvernance, de rationalisation ou de simplification. Je serai franc : on a déjà donné, pour ne pas dire qu’on a déjà tout donné.

Renoncer à l’effort de défense, c’est aussi prendre le risque de l’incompréhension de ceux qui, au quotidien, dans nos armées, militaires et civils, d’active et de réserve, ne comptent pas leurs efforts et cherchent avec constance et volonté à surmonter les difficultés. Nous pouvons être fiers de ce qu’ils font et de ce qu’ils sont. Ils méritent tout simplement le nécessaire.

Mesdames et Messieurs les députés, vous attendez de moi que je vous dise la vérité : nous sommes entrés dans une époque difficile et incertaine, où se jouent la sécurité et l’avenir du pays. Le temps du courage est venu.

Les perspectives sécuritaires sont dégradées. Les foyers de crises se multiplient aux portes de l’Europe. Certains États puissances développent des stratégies de plus en plus offensives et le terrorisme djihadiste frappe jusque sur notre sol.

Chaque époque à ses difficultés. Il ne suffit pas de prévoir l’avenir, il faut le permettre. Seule la puissance garantit la paix, qui est notre objectif à toutes et à tous.

L’esprit de défense, « premier fondement de la sécurité nationale », selon les termes du Livre blanc de 2013, nous est nécessaire. Il a besoin d’être soutenu par un véritable effort budgétaire. Les décisions courageuses qui ont déjà été prises, dans l’urgence, s’inscrivent dans cette dynamique. Il faut désormais permettre à nos armées de durer et à notre modèle de perdurer.

Je vous remercie à nouveau du soutien sans faille que votre commission a apporté aux armées pendant toutes ces années. Je vous remercie de la médaille que vous m’avez offerte, dont j’essaierai d’être digne. Vous pouvez compter sur mon engagement personnel et ma totale loyauté. Je nous sais tous ici habités d’une seule ambition : le succès des armes de la France, au service d’une paix d’avance. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. Yves Fromion. Mon général, merci du panorama que vous avez brossé, même s’il ne laisse pas d’inquiéter. Il est permis de se demander pourquoi, à chaque fois qu’on demande au Parlement d’approuver l’engagement de nos forces armées, le Gouvernement n’était pas tenu de fournir en même temps un état détaillé de nos forces et de nos capacités. Cela éviterait les gigantesques dépassements de contrats opérationnels que vous avez décrits, et qui paraissent irresponsables. Notre armée est aujourd’hui en grande difficulté, et nous sommes mis devant le fait accompli, alors que le Parlement n’est que très partiellement responsable de la situation. Si l’on décide de dépasser de 30 % le contrat opérationnel, encore faut-il l’assumer ensuite. Il y a là, je crois, un vrai problème démocratique : comment le Parlement a-t-il pu être amené à voter l’engagement de nos forces bien au-delà de leurs capacités réelles ?

Vous avez été très complet. Je regrette seulement que les occasions d’échanges aussi approfondis et aussi sincères n’aient pas été plus nombreuses : à de multiples reprises, nous avons bien compris que la situation était difficile, mais on nous rassurait en nous expliquant que c’était jouable, etc. Nous n’avons pas toujours eu le sentiment d’être parfaitement informés de la situation.

Vous avez eu le courage, et je vous en remercie, de dresser un calendrier des efforts qui doivent être accomplis. Le chiffre de 1,78 % du PIB comprend, je crois, les pensions militaires. Un effort de défense à 2 %, comprenant également les pensions, suffira-t-il à tenir tous nos engagements et à conserver notre autonomie ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Général, mon collègue Charles de La Verpillière et moi-même sommes rapporteurs d’une mission d’information qui porte sur l’accompagnement social des militaires. Nous avons acquis la conviction que de nombreuses familles de militaires sont en souffrance, en raison de la succession des missions. La défense fait beaucoup pour compenser les sujétions, chacun l’admet, mais le besoin de reconnaissance de la « base arrière » est grand. Comment mieux reconnaître les familles ? Comment percevez-vous le moral des militaires aujourd’hui ? Quelles évolutions de l’accompagnement social des militaires, dans cette période de sur-sollicitation, souhaiteriez-vous ?

M. Charles de La Verpillière. Merci de votre disponibilité et de votre franchise, Mon général. Vous décrivez tous les efforts, notamment budgétaires, que vous appelez de vos vœux ; mais vous ne m’empêcherez pas de lire dans vos propos le bilan en creux, calamiteux, de tout ce qui n’a pas été fait au cours du quinquennat qui s’achève…

Je reviens à la mission d’information que je mène avec Mme Gosselin-Fleury : nous savons tous combien la question des familles est centrale, pour le moral de nos forces, pour le recrutement et la fidélisation. Nos soldats tiendront toujours, nous en sommes certains ; mais il faut que l’arrière tienne aussi.

Un point a été souligné constamment au cours de nos travaux : les mutations des militaires constituent de plus en plus souvent un problème. La société a changé, les enfants ne veulent plus forcément suivre, les conjoints travaillent. De plus, concrètement, les mutations sont quelquefois connues trop tardivement pour que les militaires concernés puissent trouver un logement assez tôt pour inscrire leurs enfants en temps et en heure à l’école, au collège ou au lycée. Quelle est votre position sur ces problèmes ? Plus généralement, serait-il possible à votre sens que les mutations soient moins fréquentes, à tout le moins pour les officiers, par exemple en étudiant des possibilités d’affectations sur le même site ? Peut-être est-ce illusoire : je ne fais qu’esquisser une piste.

M. Eduardo Rihan Cypel. Je vous remercie, Mon général, pour la force de votre propos, qui nous permet de considérer avec un peu plus de profondeur stratégique le monde actuel et à venir. Je partage en effet votre inquiétude face au nouveau désordre mondial. La situation, instable et dangereuse, s’est dégradée de manière radicale, au plan qualitatif et quantitatif, depuis nos travaux sur le Livre blanc : affirmation de nouvelles volontés de puissance, apparition de nouvelles courses aux armements – prolifération des armes de destruction massive et dissémination des armes conventionnelles –, risques épidémiques, cyber-menaces, néoterrorisme global… Nous vivons désormais dans un monde des quatre D, « D » comme « dérèglement ».

Le premier dérèglement est d’ordre économique et financier. Les effets de la crise financière de 2008 n’ont pas été entièrement jugulés ; je pense en particulier à la raréfaction budgétaire qui a touché l’ensemble des pays occidentaux, avec les conséquences que l’on sait pour les budgets de la défense, et donc pour notre sécurité collective.

Le deuxième est d’ordre géopolitique ; nous venons de l’évoquer.

Le troisième, le dérèglement climatique, est radical et risque de provoquer des crises supplémentaires dans les années à venir.

Le dernier et peut-être la conséquence de tous les autres, c’est le dérèglement idéologique. Nous assistons en effet à l’apparition de nouvelles idéologies néfastes, favorables au repli et au nationalisme, qui sont des facteurs d’instabilité analogues à ceux que nous avons connus dans les années 1910. Personne ne souhaitait la Première Guerre mondiale, non plus que la Seconde Guerre mondiale, et pourtant elles ont eu lieu. Je ne crois pas que nous soyons forcément à l’aube d’une troisième guerre mondiale, mais ces ruptures, auxquelles s’ajoute la rupture technologique – l’intelligence artificielle –, doivent nous inquiéter.

J’en viens à mes questions. Premièrement, croyez-vous nos partenaires et amis Européens suffisamment lucides pour accepter de mutualiser, non pas toutes – car il faut préserver la souveraineté de chacun –, mais le plus grand nombre de dépenses militaires possible ? Si je suis bien entendu favorable à ce que le budget de la défense française atteigne 2 % du PIB, mais je souhaite également que nous puissions exclure les dépenses de défense et de sécurité du calcul des déficits publics.

Deuxièmement, quels seront les effets des ruptures technologiques radicales auxquelles nous assistons – je pense notamment à l’intelligence artificielle – sur le modèle de défense que nous aurons à préparer pour les prochaines décennies ?

Général Pierre de Villiers. Je veux tout d’abord dissiper ce qui semble être un malentendu : ce que j’ai dit devant vous aujourd’hui, je l’ai dit à chaque fois que j’ai été entendu par votre commission. Je vous ai livré aujourd’hui des chiffres permettant d’étayer vos réflexions. Mon discours de franchise date de ma prise de fonctions et, vous me connaissez, j’ai pour habitude de garder le cap. Simplement, nous devons tenir compte du fait que, depuis l’élaboration de notre modèle d’armées, modèle que je défends, la situation a changé de manière très importante. Les attaques portées sur notre sol donnent la mesure de ce changement. Face à cette réalité, le président de la République a décidé de mettre un terme à la tendance déflationniste du budget qui prévalait depuis de nombreuses années et qui a marqué plusieurs législatures.

Notre modèle d’armées est bon : il répond aux enjeux actuels. Certes, nous sommes en surrégime, mais lorsque le Livre blanc a été rédigé, nous ne pouvions pas deviner tout ce qui s’est passé depuis deux ans. Je vous l’ai souvent dit : le costume a été taillé au plus juste. Mais encore une fois, il faut être objectif : un effort important a été consenti pour arrêter la diminution des effectifs et des crédits qui perdurait depuis de nombreuses années. Stabiliser le budget de la défense à 1,78 % du PIB a tout de même nécessité le remplacement de cinq milliards d’euros de recettes exceptionnelles par des crédits budgétaires, l’allocation de quatre milliards d’euros supplémentaires – dont une partie, je vous l’accorde, sur la seconde partie de la LPM – et l’annulation de la déflation de 28 750 effectifs. Ce n’est pas rien !

Outre le changement de contexte, il y a un phénomène, classique, d’usure. Pardonnez-moi ma franchise, mais je vous renvoie la balle : vous ne pouvez pas être étonnés des chiffres que je viens de citer, puisque je les ai tirés des rapports de votre commission !

M. Yves Fromion. Nous ne disons pas le contraire.

Général Pierre de Villiers. Que la vérité soit désagréable à entendre, c’est probable, mais je ne manquerai jamais à la transparence. Relisez le compte rendu de mes auditions précédentes : vous constaterez que, dans la troisième partie de mes interventions, je n’ai jamais mâché mes mots. La tribune que j’ai récemment publiée ne fait que traduire en quelques phrases ce que je viens de décrire ; je l’ai simplement complétée aujourd’hui par des exemples concrets.

Je tenais à apporter cette précision car, par les temps qui courent, il est important d’avoir une vision la plus objective possible de la situation. 

Un budget à hauteur de 1,78 % du PIB sera-t-il suffisant ? Juste suffisant aujourd’hui. Et lorsqu’il atteindra 2 % en 2022, il sera également juste suffisant pour réaliser les contrats opérationnels qu’il faut remonter à la hauteur de ce que nous faisons actuellement. Je m’appuie pour vous le dire sur le travail réalisé par l’état-major des armées depuis plusieurs mois et qui vient corroborer cette vision. Mon devoir est de vous livrer mon appréciation de commandant des opérations et de vous dire ce dont nos armées ont besoin. J’estime vous l’avoir dit. Le budget 2017, je le répète, sera juste suffisant, pour peu que le contexte ne change pas. Les LPM de 2008 et de 2012 ont été construites – comment pourrait-on le reprocher à leurs auteurs ? – dans un contexte donné qui a singulièrement changé par la suite. Le rôle du politique est de décider les adaptations nécessaires à ces changements. Or, les changements se sont multipliés ces derniers mois, à un rythme qui, d’ailleurs, s’accélère. Ce budget correspond donc à un minimum, à contexte constant et dans le respect du calendrier que j’ai indiqué. Je vous dis là la vérité.

J’en viens à la question des familles. Si la conduite des opérations, les relations internationales militaires, la transformation des armées et le devoir d’éclairer le président de la République constituent le fondement de mes responsabilités ; les familles de militaire demeurent ma principale préoccupation. Elles constituent pour moi un point de vigilance. Je crois que le moral des troupes est bon, bien qu’il soit inégal. Il est excellent en opérations et plus mitigé dans la « vie du temps de paix », c’est-à-dire dans les garnisons. Mais cette réalité relève principalement de problèmes de la vie quotidienne, généralement liés au soutien et à l’organisation. Les quelques modifications que je propose devraient donc permettre d’améliorer rapidement la situation. Cela demandera tout de même, au bout du compte, un peu d’argent. En revanche, le moral des familles reste une préoccupation, car l’histoire récente de nos armées et de la gendarmerie montre que c’est souvent là que l’édifice peut se craqueler. Nous constatons, au cours de ces deux dernières années, une augmentation du nombre de jours d’absence du domicile – les chiffres que j’ai cités sont un peu effrayants à cet égard. À cette réalité viennent s’ajouter les contraintes inhérentes à la fonction publique et celles liées aux réorganisations. Je rappelle que nous avons tout de même supprimé 50 000 postes depuis 2008. Vous pouvez aisément imaginer les mutations supplémentaires qu’une telle réorganisation a entraînées et les contraintes qui en ont découlé pour les familles.

Nous n’échapperons donc pas à un plan d’actions destiné à revaloriser la condition du personnel. Au demeurant, et c’est un point très important, nous avons déjà pris des mesures en ce sens dans le cadre de la dernière actualisation de la LPM : nous avons créé l’indemnité d’absence cumulée (IAC), dont le versement (avec effet rétroactif au 1er janvier 2016) devrait, en principe, intervenir avant la fin du premier semestre 2017 ; nous avons porté le paiement des indemnités pour temps d’activité et d’obligations professionnelles complémentaires (ITAOPC) – les RTT du militaire – de huit à dix jours et il faudra aller plus loin. Cette mesure est attendue. Au regard du rythme des engagements, nous ne pouvions tout simplement pas les accorder aux militaires. Il était donc urgent de les remplacer par une indemnité financière. Enfin, nous avons doublé l’indemnité d’alerte opérationnelle (AOPER) versée à tous les hommes déployés sur le territoire national jusqu’au grade de capitaine inclus. Tout cela va dans le bon sens.

Il nous faudra toutefois adopter une démarche globale et adapter régulièrement ce plan d’actions. De fait, si la société d’aujourd’hui n’est plus celle d’il y a cinq ans, l’engagé ou le réserviste ont aussi évolué. Les contraintes sont liées au travail des épouses – rendu nécessaire par le fait qu’il est très difficile pour les militaires du rang et les jeunes sous-officiers de vivre avec un seul salaire –, elles sont aussi liées à l’achat d’un logement, au vieillissement des parents ou aux études des enfants. Ces contraintes sociales pèsent en plus des réorganisations, qui nécessitent des mutations plus fréquentes, je l’ai déjà dit. La question du moral des familles est donc pour moi essentielle, je lui accorde une attention toute particulière.

Quel sera ce plan d’actions ? C’est ce qu’il faudra décider. Il devra être fondé sur le nouveau modèle de ressources humaines, avec des flux plus mobiles, avec des départs à tous les étages de la pyramide : c’est tout un dispositif, depuis le recrutement jusqu’à la reconversion, incluant la fidélisation pour les spécialités rares qu’il faudra améliorer ; un vrai travail que nous devons intégrer dans les réflexions préparatoires de la future loi de programmation militaire. Nous y réfléchissons, et nous aurons des propositions à faire aux autorités politiques issues des prochaines élections.

S’agissant de nos partenaires européens, vous avez compris que le modèle que je défends inclut évidemment la coopération avec nos alliés, en priorité les Européens. Se pose, dès lors, la question de l’effort de défense des États membres de l’Union : sur vingt-huit, seuls quatre ont un budget de la défense, pensions comprises, représentant 2 % de leur PIB. D’autres en sont très loin. N’étant pas parmi les quatre pays « vertueux », nous n’avons pas de leçons à donner… Cela étant, la référence au PIB, qui a le mérite d’être une norme, doit être relativisée car elle traduit des réalités très différentes. L’Allemagne, par exemple, est à 1,2 % de son PIB, et a un budget annuel supérieur au nôtre. Ce qui importe c’est la cohérence entre les menaces, les missions et les moyens : si les indices économiques changent et que le PIB augmente ou diminue, il faudra adapter l’objectif des 2 % pour raisonner à périmètre comparable.

Par ailleurs, j’appelle de mes vœux la fin des débats idéologiques entre l’interétatique et le communautaire. Il faut être pragmatique. Prenons tout ce qui permet de réaliser des économies, car si la coopération doit aboutir à augmenter les coûts, ce n’est pas une bonne solution. Pour avoir dirigé pendant quatre ans, en tant que major-général des armées, le groupe de coopération franco-allemande, je sais qu’il existe de nombreuses pistes avec l’Allemagne. La Constitution allemande limite cependant encore fortement sa capacité à s’engager rapidement en opérations. Toutefois, les Allemands ont annoncé qu’ils s’engageraient au Niger. Je m’en réjouis. Avec le Royaume-Uni, la Combined joint expeditionary force (CJEF), issue des accords de Lancaster House, doit nous permettre de mener des opérations. Continuons : nous en avons besoin, et le Brexit ne changera rien dans ce domaine.

Je me suis efforcé de créer une dynamique associant Allemands, Britanniques et Français. Une première réunion s’est tenue il y a quelques semaines, et une autre doit avoir lieu à Londres le mois prochain. Ce trépied me paraît utile. Le renforcer au niveau militaire comme au niveau politique est nécessaire. Pour le reste, je suis évidemment favorable à ce que le rôle de la France dans la protection de l’Europe soit pris en compte de manière plus pragmatique au plan budgétaire. De fait, j’ai le sentiment que les armées françaises participent grandement à la protection des autres États membres. Mes homologues européens nous en sont d’ailleurs très reconnaissants. Mais « se faire payer » en admiration ne résout pas l’équation budgétaire de la défense…

La coopération est indispensable et les choses avancent ; mais il ne faut pas rêver, elle ne réglera pas tous les problèmes.

En ce qui concerne l’intelligence artificielle et la recherche, je vous ai indiqué, tout comme le DGA, que si nous voulions conserver un temps d’avance sur le plan technologique – je pense par exemple au domaine cyber -, il fallait porter le montant des crédits d’études de 730 millions à un milliard par an. Cette évolution est comprise dans le besoin des « 2 % ». Les rééquilibrages technologiques auxquels nous assistons sont préoccupants. Nous devons conserver ce temps d’avance, donc investir dès aujourd’hui, pour qu’en 2030, on puisse se dire que nous avons fait les bons choix.

Nous avons de belles armées, extrêmement efficaces et optimisées ; il suffit de les comparer aux autres. Nous maîtrisons des technologies et des savoir-faire qui nous permettent de mener des opérations qu’aucun autre pays européen n’est capable de mener. Nos capacités de renseignement et de suivi des cibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre nous permettent par exemple d’être au bon endroit au bon moment pour aller « frapper » nos adversaires. Cela n’empêche pas que nous sommes « au taquet ».

Vous l’aurez compris, le modèle complet d’armées est bon, à tous égards. Mais nous ne devons pas nous comporter en rentiers. Il faut faire en sorte qu’il perdure à hauteur des menaces que nous voyons poindre. Cela demande, notamment, de conserver notre avance, y compris sur le plan technologique.

M. Jean-François Lamour. Mon général, votre constat – le mot « réquisitoire » serait excessif – est sans concession s’agissant de l’utilisation de nos forces au cours des cinq années de la législature, et nous le partageons. Je me félicite que vous ayez évoqué la LPM actualisée et, surtout, l’effort conséquent qui est prévu lors des deux dernières annuités, car ce point n’apparaissait pas forcément dans votre tribune. De fait, jusqu’en 2013-2014, nous pouvions nous contenter de la LPM originelle, mais les événements ont rendu son actualisation indispensable. Vous conviendrez toutefois que l’on a fait exploser votre contrat opérationnel sans que l’intendance suive. Vous avez du reste rappelé la nécessité de surmonter, en 2020, le « mur capacitaire », pour reprendre l’expression que vous avez utilisée dans votre tribune. Au politique d’engager les forces, à vous de mettre en œuvre le dispositif en fonction de ses décisions et de ses arbitrages, comme vous l’avez très bien rappelé.

Ma question porte précisément sur votre analyse et les perspectives de l’opération Barkhane et de la bande sahélo-saharienne. Il me semble que cette opération – 3 500 hommes déployés, utilisation excessive du matériel – arrive à un moment charnière. Certes, elle démontre nos capacités et notre excellence, et elle obtient des résultats significatifs : vous avez rappelé le nombre de groupes armés terroristes (GAT) neutralisés. Mais qu’en sera-t-il ensuite ? Je souhaiterais avoir votre sentiment sur la mise en place du G5 du Sahel, des patrouilles mixtes et des forces conjointes, ainsi que sur l’articulation entre EUTM et Barkhane. Rester sous ce format est-il tenable pour nos armées et notre matériel ou est-il indispensable de revoir le dispositif et, si tel est le cas, sous quelle forme ? Les patrouilles mixtes, qui montaient en puissance, ont subi un coup d’arrêt important avec l’attentat de Gao. Quelles conséquences en tirez-vous ? Quelles dispositions pouvons-nous prendre pour maintenir la position française dans la bande sahélo-saharienne, éventuellement en allégeant le dispositif grâce à une plus grande mutualisation des moyens avec les forces locales – je ne suis pas suffisamment optimiste pour l’envisager au plan européen – et avec le G5 Sahel ? Celui-ci me semble en effet être un bon moyen de sortir d’une situation un peu trop stable qui pourrait nous conduire à l’enlisement.

Mme Geneviève Fioraso. Merci, général, pour la qualité de l’ensemble de vos interventions devant notre commission. Elles nous ont permis de jouer notre rôle, qui, en l’espèce, consiste, d’une part, à ne pas divulguer les informations que vous jugez confidentielles et, d’autre part, à relayer celles qui peuvent l’être auprès de nos collègues et de nos concitoyens. Il est en effet très important que nous partagions avec eux cette culture de la défense et de la sécurité si nous voulons qu’ils se l’approprient et comprennent la nécessité de consentir des efforts budgétaires dans ce domaine. Je salue donc votre hauteur de vue et les valeurs que vous incarnez et que nous partageons, les valeurs de la République.

Ma question porte sur la cyber-armée. J’ai pu constater, lorsque je me suis rendue dans la bande sahélo-saharienne, combien la technologie jouait un rôle important dans la préparation des frappes militaires, qui bénéficie d’un système d’information conjuguant images de drones – américains, hélas ! – et systèmes satellitaires d’information français, souvent financés par le CNES ou l’ESA. Quels moyens supplémentaires devons-nous consacrer à la cyber-sécurité, quels sont les projets qui ont été engagés, quelle montée en puissance est prévue ? Où en sont le Campus de l’intelligence de Creil, qui réunit des compétences extraordinaires, et la coopération européenne ? Comment coopèrent le renseignement militaire, que nous avons pu rencontrer à Niamey, et les services de la DGSI ? On nous a dit en effet – à demi-mot, car la loyauté des agents les empêchent d’exprimer clairement cette difficulté – que, si les choses se passaient bien sur le terrain, elles étaient un peu moins fluides à l’échelon central. La cyber-sécurité me semble être, en tout état de cause, un chantier prioritaire pour nos armées.

Général Pierre de Villiers. S’agissant de Barkhane, le modèle à 2 % tient compte de contrats opérationnels à la hauteur des engagements actuels, dont nous ne pensons pas qu’ils baisseront dans les cinq années à venir.

Il est clair que l’action militaire actuellement menée dans le cadre de l’opération Barkhane est efficace. Elle empêche les terroristes de mener une quelconque action majeure et coordonnée. Par ailleurs, vous le savez, c’est l’emploi de la force, dans le cadre de l’opération Serval, dont Barkhane est le prolongement, qui a permis la tenue d’élections libres au Mali. Mais, les problèmes d’ordre tout à la fois géographique, historique, culturel, ethnique, économique et sécuritaire auxquels ce pays est confronté ne se résoudront pas en quelques années. Nous avons parfois le sentiment, dans nos sociétés, que la supériorité technologique rend tout possible et permet de s’affranchir du temps. Or, la réalité est que l’action militaire demande toujours du temps et que l’emploi de la force n’a de sens que s’il s’intègre dans une approche globale qui s’inscrit, elle aussi, dans le temps long. C’est la réalité à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés au Mali.

Si, sur le plan sécuritaire, nous obtenons des résultats, le problème reste, il faut bien le reconnaître, l’accord de paix et de réconciliation (APR) signé à Alger en 2015 n’est que très partiellement appliqué : pas de vraies patrouilles communes, pas de désarmement, pas d’autorité intérimaire au nord de la boucle du Niger. Je note que même sur la boucle du Niger la situation est difficile.

L’avenir du Mali, pays dont la situation est la plus critique, et, plus largement, des pays du G5 Sahel, passe d’abord par la politique avec un grand « P », la sécurité n’étant qu’un aspect parmi d’autres. Certes, tout le monde concentre son attention sur la sécurité dans la mesure où elle conditionne le développement, mais sans développement, elle ne sert à rien. C’est exactement ce qui se passe au Mali. C’est donc bien en conjuguant les actions de sécurisation – ce que nous venons encore de faire dans le Nord du Mali dans le cadre de l’opération Septentrion – et la mise en œuvre de l’APR que la donne changera.

Combien de temps encore va durer l’opération Barkhane ? Inversons la question : si nous y mettons un terme, que va-t-il se passer ? Les terroristes vont alors immédiatement reprendre position dans le Nord-Mali et descendre vers la boucle du Niger. Aussi, très vite, le phénomène contre lequel nous avons lutté dans le cadre de l’opération Serval se reproduira-t-il. Nous ne pouvons donc pas partir pour le moment. Nous le pourrons quand les forces armées et de sécurité du Mali (FAMa) seront capables d’assurer elles-mêmes – avec les pays voisins – leur propre sécurité. Vous l’avez dit : l’avenir, c’est bien le G5 Sahel.

J’ai adhéré au volet militaire du G5 Sahel dès ma prise de fonctions, le 15 février 2014, car j’ai tout de suite perçu que c’était une solution durable. Ce dispositif fonctionne très bien et donne des résultats. Je vous ai parlé de 120 opérations – transfrontalières pour l’essentiel. Nous en avons mené une récemment avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger. C’est l’avenir ; ces trois pays, par exemple, sont désormais capables de constituer un état-major conjoint, de planifier et de conduire une opération. Tout cela ne va certes pas de soi : il faut que ces armées disposent des effectifs, des équipements, de la formation nécessaires et qu’elles sachent travailler ensemble, ce qui demande, là encore, du temps. Nous ne pourrons probablement pas totalement nous désengager de l’opération Barkhane à l’horizon du prochain quinquennat, même s’il faudra procéder à des ajustements en fonction de l’entrée en vigueur ou non de l’accord de paix et de réconciliation. La réalisation des efforts de développement politique et économique est en effet le point clef. C’est ce qui a été rappelé lors du sommet Afrique-France à Bamako. Toutes les parties ont manifesté leur accord pour avancer en ce sens.

Plus généralement, il faut jouer sur tous les leviers de paix : la MINUSMA, EUTM Mali. Il faut également compter sur l’arrivée des pays européens décidés à s’engager : réjouissons-nous ainsi du concours des Allemands – leur armée dispose de grandes capacités et les financements que peut apporter l’Europe sont de nature à renforcer la confiance et à contribuer au bien-être de la population. Pour résumer : afin d’éviter que les terroristes ne reprennent l’ascendant, ajoutons à ces leviers les trois points que j’ai évoqués précédemment : application de l’APR, action du G5 Sahel et déploiement des FAMa.

Je sais que l’opération Barkhane est lourde, mais elle est supportable avec un budget de la défense représentant 2 % du PIB. Tous les flux – maintien en condition opérationnelle, entretien programmé du matériel, munitions… – qui alimentent les OPEX sont pris en compte dans le schéma budgétaire que nous préconisons.

J’en viens à la cyberdéfense et au renseignement. En matière de cyber, je considère que nous avons pris le bon train en 2008. Nous sommes dans le bon wagon, qu’il s’agisse des personnels – même s’il est difficile de recruter et de fidéliser des hackers de talent, qu’il faut bien sûr payer –, mais aussi de la technologie puisque nous sommes capables non seulement de nous protéger, mais aussi de riposter.

Quand il a inauguré le centre d’excellence cyber à Bruz, le ministre a fait le point sur la situation de manière exhaustive. Nous avons trois armées et ce serait une erreur de vouloir créer une quatrième armée du soutien, une quatrième armée des forces spéciales, une quatrième armée de la cyberdéfense… Une armée, c’est une culture, une histoire, un milieu d’engagement. Certes, le cyber est un milieu, mais c’est un milieu totalement transverse : il est présent partout, dans chacun des trois milieux classiques et au-delà. La cyberdéfense concerne donc les trois armées et ce sont elles qui fournissent d’ores et déjà le personnel qui agit dans l’espace numérique. Nous ne serons efficaces dans cet espace qu’à condition de mener des actions collectives de manière transverse.

À cet égard, je tiens à souligner l’excellente coopération entre les différents acteurs : l’industrie, la DGA, les armées, le SGDSN, l’état-major des armées, les services de renseignement. Nous sommes unis et nous avons trouvé un mode de gouvernance qui fonctionne, si bien que nos réalisations, en matière de cyberdéfense, sont remarquables et à la hauteur des guerres de perception auxquelles nous sommes confrontés dans un contexte de guerre globale.

Bien sûr qu’existe un lien entre le cyber et le renseignement et bien sûr que le directeur du renseignement militaire, le général de corps d’armée Gomart, est étroitement associé à l’activité du vice-amiral Coustillière.

Objectivement, je peux vous témoigner que tout se passe remarquablement bien. Quant au centre d’excellence de Bruz, il vaut le détour. C’est exceptionnel. Je vous conseille d’organiser une visite de la commission sur place dans les mois qui viennent afin que touchiez du doigt toutes nos capacités – capacités dont nous pouvons être fiers.

Dans la perspective de porter le budget de la défense à 2 % du PIB, une augmentation de 600 personnes est prévue pour la période 2014-2019 au titre de la cyberdéfense. Sans cet accroissement, nous décrocherions. En cela, il n’est pas raisonnable de considérer l’effort de défense sous le seul prisme du déficit budgétaire. Je constate que le monde est de plus en plus dangereux et que toutes les données changent en même temps et dans le mauvais sens. Comment, dans ces conditions, ne pas reconnaître la nécessité d’accroître l’effort de défense ?

Vaincre dans la guerre moderne demande une subtile alchimie entre les hommes, qui font la décision dans la conduite des opérations, et la technologie qui confère la supériorité informationnelle ou physique. Prenons l’exemple de l’opération Barkhane que nous pilotons. Quand parvient le renseignement – et il faut avoir les moyens de l’obtenir – selon lequel un groupe est susceptible de mener une action terroriste, il faut le vérifier à l’aide de moyens techniques (cyber, satellites, avions ou drones Reaper). Ensuite, il faut suivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre des adversaires qui sont souvent très mobiles et très discrets. D’où l’importance d’acquérir de nouveaux drones – deux ont d’ores et déjà été livrés à Noël. Mais, comme pour un avion ou un hélicoptère, si le pilote d’un Reaper manque d’entraînement, le drone « reste au garage ». C’est la raison pour laquelle nous devons faire un effort de formation de nouveaux pilotes. J’en reviens à mon exemple : une fois que, grâce à l’image fournie par le drone, nous avons la certitude que la cible est hostile et une fois que nous savons où elle se trouve, il convient de préparer l’attaque avec les moyens ad hoc. Il faut bien comprendre que cette attaque nécessite des hommes qui sont toujours ceux qui, à la fin, se porteront au contact du danger.

Pour obtenir la victoire, il faut des hommes formés et entraînés, une doctrine d’emploi et disposer de toute la palette capacitaire au bon niveau technologique. C’est pour cela qu’il faut porter le budget de la défense à 2 % du PIB. À défaut, nous resterons dépendants des États-Unis. Les Américains nous aident au Sahel – c’est après tout le rôle des alliés – mais il est tout de même préférable que la France possède elle-même tous les éléments nécessaires à la conduite de la guerre moderne.

Je prendrai un autre exemple montrant la nécessité d’avoir des hommes formés et entraînés : l’attaque du Carrousel du Louvre qui a eu lieu vendredi dernier. Lundi, j’étais au 152e régiment d’infanterie à Colmar – chaque semaine, en effet, je suis sur le terrain : demain je vais visiter un dépôt de munitions à Avord ; autrement dit je vais là où on ne voit pas souvent un CEMA…

M. Yves Fromion. Par contre, ils voient leur député. (Sourires.)

Général Pierre de Villiers. Je suis donc allé à Colmar où j’ai observé de quelle manière le 152e RI se préparait en vue de prendre la relève de l’opération Sentinelle quelques jours plus tard à Strasbourg. Concrètement, j’ai observé l’instruction dispensée sur trois ateliers d’entraînement. L’un d’entre eux visait précisément à préparer les soldats à réagir à une attaque à l’arme blanche – exactement la même scène que celle qui s’est déroulée au pied de l’escalier du Carrousel du Louvre. Avant même cette attaque, ce mode d’action avait déjà été pris en compte aux plus bas échelons, afin de préparer au mieux l’engagement des soldats.

Dans la même veine, quelques minutes après l’attentat du Carrousel, j’ai eu le chef de groupe au téléphone. Il m’a bien sûr remercié de mon appel, mais surtout, il m’a répondu spontanément, en toute simplicité : « Je n’ai fait qu’appliquer ce que j’ai appris quelques semaines avant de partir ». Ce chef de groupe et ses soldats n’étaient déployés à Paris, en opération, que depuis peu temps ; ce n’était que leur deuxième jour de participation à l’opération Sentinelle. On peut donc vraiment parler d’acte réflexe, acquis grâce à l’entraînement.

Voilà pourquoi, afin d’être pourvues de toutes les capacités opérationnelles nécessaires pour faire face aux enjeux actuels et à venir, nos armées ont besoin de troupes entraînées et aguerries. La technologie ne fait pas tout. C’est la complémentarité entre des équipements performants et des hommes formés, entraînés, et animés de la volonté de vaincre qui permet de gagner la guerre. Pour cela, il faut un budget équilibré qui prenne en compte toutes ces dimensions.

Certaines armées basculent trop du côté de la technologie, d’autres pas assez. Nous avons pour notre part le bon modèle et nous devons le préserver. Quand il faut donner une priorité, je privilégie toujours les hommes, car c’est avec eux que l’on gagne in fine. J’ai cité l’exemple du Carrousel du Louvre parce qu’il est exceptionnel de professionnalisme – un professionnalisme qui est le produit d’un système. Savez-vous combien d’années de service avait le militaire qui a tiré ? Deux ans et deux mois. Il s’agit d’un tout jeune première classe. Le chef de groupe était caporal – « caporal stratégique » : vous rendez-vous compte des dégâts qu’aurait causé une erreur de tir ou une erreur de comportement, au Louvre, avec le monde qui s’y trouvait à ce moment-là ? « Exceptionnel » est le mot ; je suis vraiment fier de commander ce type d’hommes et, de plus, d’une modestie incroyable : ils ne comprennent pas qu’on les félicite, puisqu’à leurs yeux ils n’ont fait que leur boulot… Voilà une vraie armée professionnelle ! Cette armée, j’y tiens ; elle place la France dans le peloton de tête mondial et je veux l’y maintenir. C’est pourquoi je vous demande de porter l’effort de défense à 2 % du PIB pour 2022 et non pas pour 2025. On aurait pu imaginer 2025 il y a deux ans ; malheureusement, le contexte a changé.

M. Jean-François Lamour. Mais vous ne parlez plus de 2020…

Général Pierre de Villiers. Non, mais il reste que l’augmentation de l’effort de défense est incontournable, selon une trajectoire qui demandera de consacrer, en euros constants 2017, de l’ordre de 39,5 milliards en 2020 et 42,5 milliards en 2022.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous vous remercions, général, et j’espère que beaucoup d’entre nous seront là pour vous entendre la prochaine fois que vous viendrez devant cette commission.

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